Couvrant la peinture, la sculpture, le dessin, les arts décoratifs, le design, la photographie et l’estampe, l’exposition propose une série d’études de cas qui révèlent les formes que peut assumer l’utopie lorsqu’elle est embrassée par les mouvements artistiques – depuis les confréries du XIXe siècle jusqu’aux avant-gardes suivant immédiatement la Première Guerre mondiale. L’exposition bénéficie de prêts des plus importants musées du monde, dont le Metropolitan Museum of Art, le Solomon R. Guggenheim Museum, le Museum of Modern Art, le Brooklyn Museum, la Tate Britain et le Victoria and Albert Museum.
Vers un ideal de pureté
L’exposition s'ouvre avec le XVIIIe siècle, lorsque des groupements artistiques aux objectifs utopiques clairement articulés naissent sous le nom de confréries, avec l’ambition de former des collectivités modèles. Ils aspirent à mener une vie pure, même monacale, et à rester à l’abri des maux propagés par la société. Cette retraite est parfois motivée par le souhait de réagir contre la sécularisation croissante de l’Eglise. En d’autres occasions, elle se veut un retour vers un mode de vie idéal et harmonieux. Les Primitifs français s’inspirent de l’art de la Grèce et de l’Etrurie anciennes et du Quattrocento italien (XVe siècle). Les Nazaréens allemands comme Friedrich Overbeck et Franz Pforr se réfèrent aux débuts de la Renaissance et peignent des scènes religieuses, espérant restaurer la foi au moyen de l’art. Les Préraphalites citent aussi le passé : ils font allégeance à la période précédant Raphael, quand le pouvoir était aux mains des guildes. Des artistes comme William Holman Hunt, John Everett Millais et Dante Gabriel Rossetti privilégient des cycles narratifs clairs et un style artistique inspiré par l’Italie du XVe siècle.
Une critique du capitalisme
A mesure que le XIXe siècle emprunte le chemin du progrès, on assiste à un mouvement de retour vers l’artisanat, qui offre une alternative à la mécanisation et à la déshumanisation provoquées par la division du travail. Ce mouvement va de pair avec l’affirmation que l’art, l’architecture et le design peuvent contribuer à transformer les modes de vie et à améliorer la société. Les principaux interprètes de cette philosophie sont des artistes liés aux Préraphaélites, William Morris et Edward Burne-Jones. Largement inspiré par les théories de Ruskin, Morris, figure tutélaire du mouvement Arts and Crafts, promeut un modèle inspiré de la production collective des guildes médiévales. Dans le dernier quart du siècle, parallèlement à l’essor des groupes politiques de gauche, certains mouvements artistiques comme les néo-impressionnistes, développent des projets utopiques à visée sociale, se faisant l’avocat des droits des ouvriers et plaçant la critique du capitalisme au cœur de leur création. Les néo-impressionnistes voient dans l’utilisation de techniques optiques fondées sur des bases scientifiques le moyen de mettre en scène un idéal progressiste, en combinant des méthodes contemporaines et un discours idéaliste.
El Lissitzky (1890 - 1941) Sans titre, 1919–20 c.
Huile sur toile, 79, 6 x 49, 6 cm The Solomon R. Guggenheim Foundation Collection Peggy Guggenheim, Venise 76.2553.43 ©El Lissitzky - by SIAE 2010 De nouveaux objectifs au XXe siècle
Après l’avènement de l’abstraction et les horreurs de la Première Guerre mondiale, les artistes s’orientent vers une conception où la vérité s’incarnerait dans des formes pures et abstraites. Les fondateurs de De Stijl, un petit groupe d’artistes néerlandais mené par Theo Van Doesburg, sont convaincus que les qualités formelles de l’architecture, de l’art et du design, peuvent favoriser l’harmonie. Le Bauhaus, une école publique fondée en 1919 à Weimar, en Allemagne, par l’architecte Walter Gropius, rassemble des artistes et designers d’avant-garde en une communauté qui doit contribuer à reconstruire la société d’après-guerre par l’art et le design. La Révolution russe poursuit également une vision utopique, chargée de transformer les relations entre classes sociales. Les artistes d’avant-garde se fondent sur la poésie radicale de l’art non figuratif. Malevitch et El Lissitsky sont des idéalistes, convaincus que la forme pouvait représenter des visions grandioses, tandis que Tatlin, Rodchenko et d’autres, qui se baptisent du nom de constructivistes, sont davantage intéressés par le matériau lui-même comme porteur d’une valeur intrinsèque. L’exposition s’achève au début des années trente, quand la montée du nazisme met un terme à l’expérience du Bauhaus tandis que le stalinisme recadre les objectifs constructivistes. Cependant, jusqu’à nos jours, les expériences se perpétuent, des colonies d’artistes aux communautés écologiques autosuffisantes : l’utopie reste un besoin fondamental des sociétés humaines.
PUBLICATION :
L’exposition est accompagnée d’un catalogue richement illustré, publié par Guggenheim Museum Publications (New York) avec des essais du commissaire Vivien Greene, de l’historien Russell Jacoby, et du spécialiste d’histoire du design Victor Margolin.
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