La Galerie Brame & Lorenceau est devenue en quatre générations une adresse familière des connaisseurs et amateurs véritables des XIXe et XXe siècles français. La Galerie, qui a déjà accueilli quelque quatre vingt dix expositions, fête l’arrivée de l’été en accrochant à ses cimaises une soixantaine d’huiles et d’œuvres sur papier de Jules Cavaillès, peintre de la lumière et du soleil par excellence.
Fraises et cerises, 1942
Huile sur toile, 62 x 63 cm Du Tarn à Paris
Né en 1901 à Carmaux, Jules Cavaillès garde de ses jeunes années une douce nostalgie. A l’âge de treize ans, des soldats en convalescence lui prodiguent des leçons de dessin qui font naître chez lui une véritable vocation. Il intégre les mines de Carmaux en 1919, en tant que dessinateur industriel. Sa rencontre avec le peintre Bernard-Joseph Artigue est décisive : ce dernier convainc les parents Cavaillès du bien-fondé de son départ pour Paris, où il s’installe en 1922 pour entrer à l'Académie Julian. Il participe à différents salons mais ses activités de peintre ne suffisant pas à faire vivre son ménage, il acquiert avec son épouse Rose une épicerie qui lui permet de poursuivre son travail d’artiste. L’année 1936 marque le début de la reconnaissance : la galerie Druet organise sa première exposition particulière et il obtient la bourse de la fondation Blumenthal. On lui confie de grandes décorations, telle celle du pavillon du Languedoc pour l’Exposition Universelle de 1937. Mobilisé pendant la Seconde Guerre mondiale, il gagne le maquis languedocien. Ses activités de résistant lui valent la Légion d’Honneur en 1947. Conservateur du musée de Toulouse à la Libération, il y développe les collections contemporaines. Reprenant ensuite ses fonctions de professeur à l’Ecole nationale des Arts décoratifs, il ne cessera de peindre, voyageant beaucoup, exposant à travers le monde, recevant diverses récompenses, jusqu’à sa mort en 1977.
La mélodie du bonheur
Dès la fin de sa formation à l’Académie Julian, Jules Cavaillès se détache de l’académisme, puisant son inspiration avant tout dans la nature elle-même, mais aussi chez Matisse et Bonnard dont on perçoit l’influence dans l’éclat des couleurs et le travail sur la perspective. De 1930 à 1935, dites années d’incertitude, son exécution est encore hésitante. Il cherche alors à se dégager de l’apport de ses prédécesseurs et à trouver un style personnel. Très vite, il développe un goût prononcé pour les rouge, jaune et orangé, au sein des couleurs chaudes, et pour les vert, mauve et gris au sein des couleurs froides. Ses œuvres illustrent des images heureuses et prennent un aspect festif et lumineux. Dès lors, la couleur prend une place prépondérante dans son art. Les œuvres des années 1940 gagnent en éclat, en intensité, mais aussi en densité. Il atteint alors sa pleine maturité artistique. Il reprendra le graphisme pur à partir de 1954, faisant preuve dans ce domaine d’une grande finesse.
Paysage à Laguiole, 1950
Huile sur toile, 81,5 x 60 cm Une vision poétique du quotidien
Jules Cavaillès a traité trois thèmes, récurrents au long de sa carrière. Les natures mortes furent particulièrement nombreuses. Un mur et une table couverte d’objets constituent généralement les éléments de ce thème. L’allure et la technique de ses paysages sont différentes de celles des natures mortes : moins d’emportement, de tumultes et de dissonances. Ce sont souvent des vues apaisantes, appelant au loisir et à l’évasion. De ses intérieurs émane une grande sérénité, touchant le spectateur. Il les anime souvent d’un personnage féminin, parfois nu, devant une fenêtre ouverte sur l’extérieur, véritable leitmotiv dans son œuvre.
Jules Cavaillès est également connu pour s’être associé au mouvement baptisé en 1949 “la Réalité poétique”. Ce groupe d’artistes ayant exposé ensemble dans l’entre deux-guerres, et parmi lesquels figurent Roger Brianchon, André Planson ou Roland Oudot, avait pour credo l’authenticité, l’amour et le respect de la nature.
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