La collection du Musée des beaux-arts de Bordeaux, l’une des dix plus importantes de France, possède de beaux ensembles (notamment sur l’école hollandaise du XVIIe siècle) et offre un regard sur la vie artistique régionale du XVIIIe siècle à nos jours, passant par Redon, Marquet ou Lhote. Créé par l’arrêté consulaire du 31 août 1801, à la suite du rapport du ministre de l’Intérieur Chaptal qui proposait la répartition des œuvres du Muséum central des Arts dans quinze grandes villes de province, le musée doit son développement au peintre Pierre Lacour (1745-1814), qui en fut le premier conservateur, et à Pierre Lacour fils, qui en sera le deuxième conservateur de 1814 à 1859. Ayant peu bénéficié de saisies révolutionnaires locales, le musée, après deux envois de l’État en 1803 et 1805, s’est fortement enrichi en 1829 par l’achat de la collection du marquis de Lacaze. Dons, legs et achats réguliers continuent de diversifier ses collections.
Eugène Delacroix, La Grèce sur les ruines de Missolonghi, 1826, Huile sur toile. Collection du musée des beaux-arts de Bordeaux Des primitifs flamands au baroque de Rubens
L’œuvre la plus ancienne est la Vierge de Pitié de Hans Clot (1469), représentative des primitifs nordiques. Parmi les peintures italiennes, se détachent la Vierge à l’Enfant entre saint Jérôme et saint Augustin du Pérugin et de son atelier, Tarquin et Lucrèce de Titien et la Sainte Famille avec sainte Dorothée de Véronèse. Pour le XVIIe siècle, l’ensemble européen caravagesque est remarquable, avec la Dispute des philosophes et la Dispute des théologiens de Giordano et la copie de la Madeleine en extase de Caravage, dont l’original a disparu. On distingue chez les Français le David d’Aubin Vouet et le Saint Sébastien soigné par Irène du Maître à la chandelle, chez les Hollandais le Joueur de luth de Ter Brugghen. La collection hollandaise du XVIIe siècle est considérée comme l’une des plus complètes de France. Elle est pour une grande part consacrée au paysage avec des noms prestigieux comme Ruysdael et Swanevelt, à la nature morte avec Davidsz de Heem et au portrait avec un Homme à la main sur le cœur de Hals. Pour l’école flamande, de grands formats évoquent la peinture baroque, avec Rubens et son Martyre de saint Georges ou Van Dyck, dont le Portrait de Marie de Médicis provient de l’ancienne collection de Mazarin.
XVIIIe et XIXe siècles : sous le signe de Delacroix et Redon
Pour le XVIIIe siècle, outre la peinture italienne (Scènes de galériens de Magnasco) et anglaise (John Hunter de Lawrence), l’école bordelaise est présente avec le chef-d’œuvre de Lacour : la Vue d’une partie du port et des quais de Bordeaux (1806), où se déploient les façades des Chartrons et de Bacalan au moment où Bordeaux était l’un des premiers ports de France. Plus tard, le style néo-classique retourne aux sources antiques dans Enée racontant à Didon les malheurs de la ville de Troie de Guérin ou avec Héro et Léandre du Bordelais Taillasson. Au XIXe siècle, les œuvres de Delacroix évoquent avec force le romantisme. La Grèce sur les ruines de Missolonghi est sans conteste la toile la plus célèbre du musée qui conserve plusieurs autres tableaux du peintre, dont Boissy d’Anglas à la Convention et la Chasse aux lions. A côté des paysages de l’école de Barbizon (Daubigny et Diaz de la Peña), on peut voir d’importants Corot (le Bain de Diane) et Boudin (la Marée basse à Etaples). La fin du siècle doit sa force à la présence du Bordelais Odilon Redon, dont le Char d’Apollon de 1909 et l’Homme ailé ou l’Ange déchu sont deux œuvres majeures.
Eugène Boudin, Marée basse à Etaples, 1886, Huile sur toile. Collection du musée des beaux-arts de Bordeaux Le XXe siècle avec Marquet et Picasso
D’importantes œuvres des deux grands artistes bordelais du XXe siècle, Albert Marquet et André Lhote, forment des ensembles uniques ; pour Marquet, Naples le voilier, le Port de Hambourg ou le Port de Bordeaux, pour Lhote, l’Entrée du bassin à flot de Bordeaux, Bacchante ou Paysage français… Ces œuvres sont accompagnées par des toiles de Matisse, Bonnard et Valtat. D’autres grands noms du XXe siècle sont également présents dans la collection : Vlaminck, Soutine, Kokoschka, Vallotton. Le Portrait d’Olga lisant de Picasso, de 1920, rappelle la période ingresque du maître, entourée d’œuvres des mêmes années de Lhote, Bissière et Dufy. Enfin, l’abstraction a aussi droit de cité, qu’elle soit issue de Bissière, avec Lagoutte ou Lambert, ou du cubisme, avec Tobeen ou Gay.
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