Comme celles précédemment consacrées à William Baziotes et Richard Pousette-Dart à la Peggy Guggenheim Collection, l’exposition contribue à une meilleure compréhension de la génération d’artistes new-yorkais qui a donné naissance à l’Expressionnisme abstrait américain dans les années 1950. Les origines du mouvement sont étroitement liées dans les années 1940 à la carrière de Peggy Guggenheim elle-même et à Art of This Century, son musée-galerie de New York. L’exposition a été organisée en partenariat avec l’Adolph and Esther Gottlieb Foundation (New York), qui a prêté de nombreuses œuvres. Elle bénéficie aussi de prêts du musée Frieder Burda (Baden-Baden), du Solomon R. Guggenheim Museum (New York), du musée national d’Art moderne (Paris), de l’American Contemporary Art Gallery (Munich) et de plusieurs collections privées.
La charge des Irascibles
La carrière d’Adolph Gottlieb (1903-1974), penseur et artiste charismatique, est étroitement liée à celle des autres représentants de l’Expressionnisme abstrait américain : dès le début des années 1930, Gottlieb est un proche ami de Barnett Newman et de Mark Rothko. En 1941, Gottlieb et Rothko décident d’explorer ensemble un univers mythique et jungien, marquant l’émergence d’une avant-garde indépendante pour la première fois des modèles européens.. Avec Rothko, Gottlieb est l’auteur d’une lettre devenue historique au New York Times (13 juin 1943), première définition publique des théories sous-tendant ce qui allait être connu comme l’Expressionnisme abstrait américain. Au printemps 1950, Gottlieb mène la protestation d’un groupe d’artistes contre la politique du Metropolitan Museum of Art à l‘égard de l’art contemporain américain. Ce groupe sera baptisé Les Irascibles dans un article du New York Herald Tribune, et présenté à un public beaucoup plus large par une célèbre photographie (incluant Baziotes, de Kooning, Motherwell, Newman, Pollock, Pousette-Dart, Clyfford Still et Gottlieb) de Nina Leen, publiée dans la revue Life. En 1958-59, une exposition itinérante du Museum of Modern Art, comprenant Gottlieb et plusieurs de ces artistes, sera intitulée The New American Painting.
Travailler avec une grille
Comme le souligne dans le catalogue Sanford Hirsch, directeur exécutif de l’Adolph and Esther Gottlieb Foundation : « Gottlieb est considéré comme un peintre de l’Expressionnisme abstrait (…). Cependant, ce terme est en soi trop étroit pour embrasser la dimension de l’art de Gottlieb et son influence sur ses collègues, sur le public et sur l’art à venir.” L’exposition révèle la diversité de la production de Gottlieb, et son évolution permanente, en accord avec son propre aphorisme : « Des temps différents exigent des images différentes ». Elle débute avec des tableaux, dessins et gravures des années 1930, comprenant des portraits de Rothko et d’un autre ami proche, Milton Avery, ainsi que des références à un séjour marquant en Arizona en 1937-38. Vient ensuite une sélection abondante, montrée pour la première fois en Italie, du première ensemble cohérent de peintures de Gottlieb, les Pictographs, commencés en 1941, l’année de Pearl Harbor et de l’entrée des Etat-Unis en guerre. Ils installent Gottlieb, à côté de Rothko et de quelques autres comme Arshile Gorky et Pollock, parmi les pionniers de la nouvelle avant-garde américaine. Une grille segmente habituellement la surface de la toile. Dans chacun des compartiments, Gottlieb place des symboles - une main, un œil, ou des hiéroglyphes de son invention - qui mêlent l’imagerie des Indiens d’Amérique ou d’autres cultures primitives et des allusions à la mythologie grecque.
Three Discs on Chrome Ground Huile et acrylique sur toile 121 x 183 cm Collection de l' Adolph and Esther Gottlieb Foundation, New York / Courtesy of Galeria Elvíra González, Madrid ©Adolph and Esther Gottlieb Foundation / Licensed by ©Adolph and Esther Gottlieb Foundation / Licensed by VAGA, NY / by SIAE 2010 Un succès critique croissant
Après avoir épuisé le potentiel visuel du Pictograph, Gottlieb développe de nouveaux types de compositions tels que les Labyrinths (commençant avec Labyrinth #1, 1950, présent à l’exposition) et Imaginary Landscapes de 1951, comme Sea and Tide (1952, dans l’exposition). Ces œuvres coïncident avec le succès critique et commercial croissant de Gottlieb au milieu de la décennie 1950. En 1956, la partie inférieure des Imaginary Landscapes se détache des bords de la peinture pour devenir une forme flottante indépendante dans des compositions verticales connues comme les Bursts, ses créations les plus connues. Un jury dirigé par le critique d’art italien Giulio Carlo Argan attribue à Gottlieb le premier prix à la biennale de São Paulo de 1963. Dans les années 1960, malgré l’irruption du Pop Art, antithèse de l’Expressionnisme abstrait, la peinture de Gottlieb est considérée comme une source prophétique et essentielle de l’art minimal. L’exposition comprend également un ensemble de sculptures, faites en carton coloré et présentées à côté des images cosmiques qui les ont inspirées. L’exposition se clôt sur une série d’œuvres tardives dans lesquelles l’explosif Burst se contracte en des disques plus doux et géométriques, peints dans les années précédant sa mort.
PUBLICATION:
L’exposition est accompagnée par un catalogue richement illustré, publié en anglais et en italien par Giunti Editore. Le catalogue comprend des essais de Luca Massimo Barbero, conservateur adjoint à la Peggy Guggenheim Collection, et Pepe Karmel, professeur au département des Beaux-Arts, New York University.
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