Développée en une suite de tableaux sur 900m² dans le pavillon Paul-Delouvrier, Collection privée est une exposition prodigue de formes, de matières, de lumières et de sons.
Gerbes d’objets et de figurines, ciel de calebasses, poupées de cristal en parures, tambours aux pieds humains, danse de ventilateurs, nuage noir sur potences, tableaux, photographies… Cette création, conçue par Pascale Marthine Tayou comme un "trait d'union entre présent, imparfait, futur et avenir incertain", révèle la richesse d’un esprit libre, sans conventions ni concessions.
// LES UNIVERS MUTANTS DE PASCALE MARTHINE TAYOU //
Pascale Marthine Tayou travaille in-situ et out-situ, toujours en périple sur plusieurs lieux de montages d’expositions, maniant ici et là trouvailles et éléments divers de différents pays.
Les univers qu’il crée dans chacune de ses installations s’organisent autour d’objets familiers, de figures reconnaissables, issues tant de sa culture d’origine que de celles d’autres civilisations.
Mutants entre ses mains vers de nouvelles formes, ils tracent les contours d’une géographie imaginaire, ouverte et sans frontière, qui nous sollicite très directement. Ils nous offrent une nouvelle lecture de notre Histoire, des processus d’acculturation à l’œuvre et des cultures en transformation.
Homme des voyages, Pascale Marthine Tayou s’avère être l’observateur sans concession de notre monde où les richesses du quotidien, de l’ordinaire, paraissent être les clés de déchiffrement les plus pertinentes des jeux de pouvoirs qui hantent nos sociétés.
« Le matériau, c’est tout ce que je trouve sur ma route et que je détourne en lui instillant une âme », affirme Pascale Marthine Tayou.
Il prend, rassemble et recompose le paysage d’un jardin de mille et une utopies.
Une île-monde, où l’enfance, les parfums, les sons, le moindre objet ou son vestige, l’empreinte d’un abri, le contour d’un corps marqué à la craie, ordonnent une mémoire toujours vivante, une Afrique subjective à partir de laquelle construire, d’où repartir.
Il bâtit ainsi des mondes où le rituel, le sérieux sont traversés par le rire, la dérision, la poésie. Faisant l’économie d’un certain folklore, il donne une légitimité aux objets des cultures « du bas » et « d’en bas ». Les sacralisant, il les arrache à la stricte fonction par quoi nos sociétés d’ordre, de hiérarchie et de marché les définissent.
Dans le même mouvement, il confronte matières précieuses, effigies, masques et icônes de protocoles – principes du pouvoir, de l’aristocratique –, à des éléments cueillis dans la nature ou bricolés pour la vie de tous les jours.
// LOCAL / GLOBAL : UN THÉÂTRE DES TRANSFERTS //
Ouvrant chaque espace du pavillon à un dialogue inédit, Pascale Marthine Tayou met en scène un théâtre des transferts. Transferts comme autant de déchirures provoquées par les incessants mouvements des objets, des hommes et des mutations qu’ils subissent lors de leurs passages entre ce qui serait de l’ordre du « local » – lieu incertain des origines déjà mêlées, d’un intime – et ce qui relève du « global », espaces d’échanges et des valeurs d’échange.
« Son grand travail » est de détourner et redonner à des objets assignés aux pratiques de l’ordinaire ou réduits à l’exotisme, des marques symboliques, pour enfin les faire parler, les habiter.
Humains comme objets ne sont pas seulement en transformation – vers des identités en mal de territoire, d’origine, et à partir desquels vivre ou survivre –, mais en déplacements de sensibilités, de croyances, de représentations.
Et c’est ce mouvement que Pascale Marthine Tayou ne cesse de composer et de recomposer, nous conviant à l’y accompagner.
Son projet, son exigence appellent l’appétit à repeupler un monde nouveau de signes éloquents, riches des imaginaires de chacun.
« Nous sommes dans un état de composition, de rencontres d’idées. Ma religion, si j’en ai une, serait que toutes les cultures devraient se briser afin de produire continuellement de nouvelles cultures, de nouvelles civilisations, de nouvelles approches, car en tant qu’êtres vivants, nous sommes des mutants. » Pascale Marthine Tayou
Pascale Marthine Tayou est représenté par la GALLERÍA CONTINUA, San Gimignano / Beijing / Le Moulin
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