La Schirn Kunsthalle Frankfurt consacre une exposition complète à l’impressionniste français Gustave Caillebotte, avec une cinquantaine de tableaux et de dessins. Enrichie par 150 photographies exceptionnelles de la fin du XIXe et du début du XXe siècle, la rétrospective donne une idée claire du rôle de pionnier que joua Caillebotte dans l’émergence d’un nouveau regard. L'exposition a été organisée par la Société des Amis de la Schirn Kunsthalle. Un soutien supplémentaire a été accordé par le Georg und Franziska Speyer’sche Hochschulstiftung.
 Gustave Caillebotte, Périssoires sur l’Yerres, 1877, Milwaukee Art Museum, Gift of the Milwaukee Journal Company in honor of Miss Faye McBeath, Photo : John R. Glembin
Bien qu’en France, en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, cet extraordinaire artiste ait déjà pris sa place à côté des grands impressionnistes comme Renoir, Manet ou Degas, l’examen critique de sa production en est encore à ses débuts en Allemagne. L’œuvre de Caillebotte offre des approches nouvelles et complémentaires à la peinture impressionniste française: ses solutions radicales, modernes et d’inspiration photographique expliquent de façon très convaincante le lien entre la photographie et la peinture. De nombreuses œuvres de Caillebotte annoncent la perpective photographique - en particulier par ses angles de vue originaux et par la façon dont il coupe les images, mais également dans son approche de thèmes comme le mouvement et l'abstraction - qui n’apparaîtra que plus tard dans la photographie.
Sa fortune pour l'impressionnisme
Gustave Caillebotte (Paris, 1848 – Gennevilliers, 1894) était plutôt connu de son vivant comme mécène, collectionneur et pionnier de l'art impressionniste bien qu’il ait produit lui-même plus de cinq cents pastels, peintures et dessins. Issu d’une famille parisienne aisée, Caillebotte a d'abord fait des études de droit. Après à peine un an de cursus, cet esprit indépendant quitta l’Ecole des Beaux-Arts de Paris, où il s’était inscrit en 1874, pour rejoindre les partisans de l’impressionnisme réunis autour de Degas, Renoir, Monet et Manet. Entré en possession d’une fortune considérable après la mort de son père, Caillebotte soutint désormais les peintres du nouveau mouvement. Il présenta ses œuvres à la seconde exposition impressionniste de Paris (1876) et aux six suivantes. En 1881, ce sportif enthousiaste se retira dans sa maison d'été à Petit-Gennevilliers, sur les rives de la Seine, où, à côté de son activité d'artiste, il devint l'un des meilleurs plaisanciers de son temps et conçut plus de vingt yachts. Caillebotte décéda des suites d'un accident vasculaire cérébral à l’âge de 46 ans le 21 février 1894. Il avait stipulé dans son testament que son importante collection d'œuvres impressionnistes devrait passer entre les mains du gouvernement français. Elle constitue aujourd'hui l'un des fleurons du Musée d'Orsay.
 Gustave Caillebotte, Pont de l’Europe, 1876, Association des Amis du Petit Palais, Genève, Photo © Rheinisches Bildarchiv Köln, Michael Albers
Comme beaucoup de ses amis impressionnistes, qui utilisèrent dans leurs compositions le nouveau medium de la photographie né en 1839, Gustave Caillebotte était familier de ses multiples possibilités, de la stéréoscopie à la photographie instantanée et à la photographie de mouvement. Sa peinture, avec ses incomparables perspectives abruptes, ses vues plongeantes radicales, ses effets de distorsion et de flou, et ses cadrages sur des fragments du sujet, nous frappe par son utilisation audacieuse de techniques photographiques qui n'avaient pas encore été employées dans la photographie elle-même. Faisant de la sensibilité de l’individu moderne un thème central de son travail, Caillebotte se montra très en avance sur son temps : ce n'est qu’au début du XXe siècle que des approches de ce type commencèrent à être utilisées dans la photographie elle-même. Avec des œuvres majeures comme le Pont de l'Europe, les Raboteurs de parquet ou L'Yerres, effet de pluie, l’exposition est organisée chronologiquement en trois groupes thématiques qui ont été décisifs pour Caillebotte: paysages urbains et vues d'architecture ; portraits, intérieurs et natures mortes ; paysages avec scènes de jardin et de sport. La confrontation avec les photographies contemporaines de Baldus, Marville et Atget ou avec des exemples du mouvement de la Nouvelle Photographie des années 1920 (des photographies de Kertész et Moholy-Nagy aux œuvres de Wols et Rodchenko) démontre de façon éclatante la relation de parenté entre la production de Caillebotte et l'émergence d'un nouveau regard.
PUBLICATION :
• Catalogue : Gustave Caillebotte. An Impressionist and Photography, sous la direction de Karin Sagner et Max Hollein, en collaboration avec Ulrich Pohlmann. Avec une préface de Max Hollein, des essais de Claude Ghez, Ulrich Pohlmann et Karin Sagner, vingt textes courts de Milan Chlumsky, Karin Sagner et Kristin Schrader, ainsi qu'une biographie par Gilles Chardeau. Editions en allemand et en anglais, 248 p., 280 illustrations en couleur, éditions Hirmer Verlag, Munich 2012, 29,90 € (à la Schirn Kunsthalle), 39,90 € (dans le commerce).
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