Dans le cadre de « Photo Saint-Germain-des-Prés », la galerie Lara Vincy propose un projet thématique qui veut insister sur des approches de la photographie radicalement autres. Des exemples qui visent à souligner un décalage par rapport à un usage habituel du medium, des exemples qui sont choisis parmi les artistes que représente la galerie et dont le parcours témoigne de l’emploi fréquent de ce moyen pour fixer dans le temps actions performatives, expériences corporelles, sculptures éphémères ou concept pur.
Partant de l’idée du voyage et du rêve, thème général de cette manifestation, l’exposition mêle des polaroids originaux de Miller Levy du début des années 1980 : Les coins perdus, des coins photos collés directement sur le tirage représentant des maisons utopiques dans des paysages pittoresques, petits coins de paradis dont nous pouvons rêver et des Chewing home, des vues d’intérieurs décorés de meubles fabriqués en chewing gum que la photo a immortalisé ; nous retrouvons l’idée du voyage dans la photo de Jiri Cernicky Happy End Shoes (2000), la rencontre illuminée de deux paires de chaussures dans un hall d’aéroport.
Depuis les années 60, Ben et Esther Ferrer se mettent en scène au moyen de nombreux autoportraits, qu’ils soient chez Esther Ferrer retravaillés par montages successifs ou constitués par fragments de corps colorisés ; qu’ils soient chez Ben agrémentés d’un texte écrit — calligraphié — qui vient parfois contredire ce que nous voyons ; un panneau par exemple, nous signale « ceci n’est pas une photo ».
Seront également présentés des tirages photos négatifs noir et blanc séparés de Gil J Wolman : Le mouvement séparatiste, avec pour seul membre Wolman lui-même, radicalise sa notion de séparation initiée en 1977, « séparation : mouvement qui introduit un espace dans une surface atteinte par des limites » (Wolman in Wolman résumé des chapitres précédents, 1981).
En définitive, cette exposition tend à rendre sensible une façon différente d’utiliser la photographie, qu’elle soit prétexte pour véhiculer des messages chez Ben, réaliser des photomontages hypnotiques avec découpes des tirages donnant lieu à de nouvelles séries de tirages chez Esther Ferrer, intervenir directement sur le polaroid en collant un élément extérieur chez Miller Levy ou encore à séparer en deux parties des tirages négatifs rehaussés sur le film avant d’être tirés, un geste subversif et détourné de Wolman qui dissimule totalement l’identité du sujet à l’intérieur même du portrait (Freud, Proust, Maria Callas, tête de l’Egypte antique…).
L’alchimie de l’art s’opère dans ces propositions de nature différente en une fusion du message avec l’œuvre, de l’action avec l’instantané ou encore de la photo avec l’idée, qu’elles soient vecteurs d’un art d’attitude (Ben, Esther Ferrer, Wolman) ou qu’elles nous invitent au rêve et à la projection de soi (Miller Levy, Jiri Cernicky).
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