DISCRÉTION DE LA LUMIÈRE

L’exposition « Discrétion de la lumière » présente des œuvres de trois artistes du textile, les tissus tissés à la main d’Anne-Laure Coullomb, les voiles teints à réserve par ligature d’Ysabel de Maisonneuve et les plissages de Pietro Seminelli.

Ces tissus créés par différentes techniques ont pourtant une beauté en commun qui découle d’une source de lumière, non pas du soleil, mais du clair de lune, qui occupe tant d’importance dans la littérature japonaise. Ce n’est donc nullement par hasard que ces trois artistes sont très sensibles à la culture japonaise et que les techniques qu’ils utilisent s’en inspirent. Le tissage très fin d’Anne-Laure, technique de teinture à réserve, shibori d’Ysabel dont les japonais sont de grands maîtres et le plissage de Pietro qui fait penser à l’origami, mot familier au monde occidental.

 Dans sa création, Pietro envisage le pli qui fait percevoir le mystérieux et le magique. Les évocations qu’il y rattache sont les notions d’enveloppe, de peau, de mutations ou de métamorphoses, de chrysalides, du secret, de l’intime. Il écrit « Je n’ai pas pu soustraire ces notions de leur implication corporelle. De fait lorsque j’inscris les plis dans la toile, s’y glisse à chaque instant les fragments de mes émotions et de mon histoire ». Et plus loin il dit « De nos bonheurs à nos deuils, tout s’inscrit, et tout notre être en porte la trace…. ». Ces traces se cachent dans les tissus de Pietro Seminelli et leur présence en émane avec discrétion.

C’est en travaillant sur le thème de la toile d’araignée à l’Ecole des Beaux Arts qu’Ysabel de Maisonneuve rencontre le textile et la trajectoire d’un fil.Elle suggère la lumière, celle qui flotte même quand on ne la voit presque plus, ces moments éphémères comme des passages d’un instant à l’autre.Elle cherche des matières très simples dans leur aspect ou ces matières improbables qu’on peut à peine toucher de peur qu’elles disparaissent.Elle utilise des procédés de teinture et de manipulation de la matière ainsi que des pigments colorants. Certaines de ces pratiques sont des techniques de shibori qu’elle a eu la chance d’expérimenter au Japon. Le shibori est un procédé de création de réserves, effectuées au cours de la teinture qui permet de travailler le textile en trois dimensions. Lier un tissu est comme resserrer un instant, retenir une mémoire. Le relâchement des fils laisse entrevoir la circulation de la couleur dans la fibre. Un dialogue s’installe entre la matière et ses gestes. Allier un geste de tradition à la création contemporaine.

D’autre part Anne-Laure Coullomb recompose le tissage des fragments d’imprimés existants de façon aléatoire afin de proposer une autre lecture. Le sujet perd alors son réalisme et devient tache, impression ou simple expression. Education Sentimentale est le nom de l’étoffe originelle qui est recomposée ou plutôt retissée par l’artiste.Elle veut tisser l’intangible, l’imperceptible, donner de la matière à l’émotion, évoquer et suggérer des sensations par le rythme et la couleur. Tisser la beauté de l’instant comme une sorte de haiku*. Dans ces poèmes japonais, chaque saison est liée à une émotion particulière comme un des tissus créés par Anne-Laure et intitulé Harusame* qui en témoigne.

*Haiku : Un poème traditionnel japonais qui se compose de 17 sons 5-7-5. Chaque haiku contient  essentiellement un mot lié aux saisons.

*Harusame : La pluie douce de printemps

Shukuko Voss- Tabe

Association Amitiés Tissées. Paris, février 2013