A Lili, deux personnages et un animal, 1950, gouache sur papier, 15 x 15 cm, Collection de l'Art Brut, Lausanne. Gaston Chaissac, ADAGP Paris 2013 |
Gaston Chaissac (1910-1964) et Jean Dubuffet (1901-1985) se sont rencontrés en 1946, par lettres interposées et par l’entremise de Jean Paulhan. Leur relation débute sous le signe de l’écriture et dure jusqu’à la mort de Chaissac. Leur correspondance, constituée de 448 lettres, est une mine pour relire leurs œuvres à l’aune de leurs passions et de leurs détestations, de leurs espoirs, de leurs succès et de leurs déconvenues. Plus de 80 pièces - tableaux, sculptures et objets - accompagnent les documents et les lettres exposés.
L’art au détour du chemin
Il Flûte sur la bosse, 1947, huile sur masonite, 116 x 89 cm, Fondation Dubuffet, Paris. Jean Dubuffet, ADAGP Paris 2013 Les gouaches hautes en couleur de Gaston Chaissac révèlent un coloriste hors pair. Les « hautes pâtes » texturées de Dubuffet excellent dans la trituration de la matière. Si les moyens diffèrent, l’esprit d’expérimentation incessante qui les anime est bien le même. Gaston Chaissac, qui se désignait comme un « peintre rustique moderne » et Jean Dubuffet, fervent défenseur de « l’art brut » traquaient tous deux l’art au détour du chemin et le saisissaient, bien vivant, là où d’autres ne le voyaient pas. Cette exposition invite à la découverte de cet art neuf, qu’ils pratiquèrent en virtuoses de la récupération et de la métamorphose de matériaux dérisoires et sans noblesse. Elle met en avant la complicité artistique et littéraire de ces deux peintres et épistoliers de talent.
L’un Parisien, l’autre provincial
Après une interruption de dix années consacrées au négoce du vin, Jean Dubuffet, installé à Paris, renoue définitivement avec ses premières amours artistiques en 1944, à l’occasion d’une exposition personnelle à la galerie Drouin qui fit grand bruit. Chaissac à cette date, a quitté la capitale. Il s’y était, en autodidacte averti, initié à l’art auprès d’Otto Freundlich et de Jeanne Kosnick-Kloss qui organisèrent sa première et discrète exposition parisienne à la galerie Gerbo en 1938. En 1942, son mariage avec Camille Guibert le conduit en Vendée (Boulogne, Sainte-Florence de l’Oie puis Vix) où il passera le reste de sa vie.
A la recherche de l’homme du commun
Le Pèlerin, 1947, huile sur papier, 65 x 50 cm, collection J.D.J., Paris. Gaston Chaissac, ADAGP Paris 2013 En apparence, ces deux-là ont peu en commun : Dubuffet, évoluant dans un milieu aisé, citadin, compose – malgré sa défiance - avec le milieu artistique et se taille une réputation qui, scandaleuse et décriée en France, lui vaudra très tôt l’intérêt des Américains. Gaston Chaissac, isolé dans le bocage vendéen, se heurte aux sarcasmes des paysans du coin, se méfie de loin des
marchands parisiens, vit modestement auprès de sa femme, institutrice laïque, de quelques travaux journaliers, des récoltes de son jardin et de quelques ventes d’œuvres. Mais, à y regarder de plus près, ils partagent un même enthousiasme pour tout ce qui touche à « l’homme du commun » et se défient des bonnes recettes éculées d’un art savant qu’ils jugent par trop répétitif et ennuyeux.
PUBLICATIONS :
• Catalogue de l’exposition, éditions Fage, 25 €.
• Correspondance Chaissac Dubuffet, publiée par Dominique Brunet et Josette Rasle, Gallimard, mai 2013, 23,50 €.
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