Non sans raison, un critique d’art des années 1890 écrivait à propos de Montmartre : «Le quartier ressemble à un vaste atelier.» Des artistes importants comme Edgar Degas, Pablo Picasso, Henri de Toulouse-Lautrec, Vincent van Gogh y vivaient ou y travaillaient. Ils y produisirent des tableaux mémorables, d’un réalisme jusqu’alors inconnu, qui révélaient sans pitié les bas-fonds de l'éblouissante Belle Époque. Avec ces œuvres uniques, ils ont profondément marqué l'histoire de l'art de la fin du XIXe et du début du XXe siècle. La Schirn Kunsthalle de Francfort présente plus de 200 œuvres sur Montmartre, faisant revivre sa petite histoire et ses principaux protagonistes.
 Théophile Steinlen, Le 14 juillet, 1895. Huile sur toile, 38 x 46 cm. Association des amis du Petit Palais, Genève.
Différentes thématiques sont abordées dans les sections de l’exposition. «Montmartre village : un autre Paris» propose au visiteur des vues pleines d’atmosphère du quartier et de sa topographie. L'exposition met ensuite l’accent sur «Cafés, buveurs d’absinthe et spectacles de variétés» puis sur la représentation des «Modèles, danseurs et prostituées». Une section traite du «Pays imaginaire du cirque». «Montmartre, le petit peuple et les mouvements sociaux» introduit les habitants du quartier, ses ouvriers, ses clochards et ses lavandières, mais aussi ses activistes qui animèrent des manifestations en une époque socialement agitée. «Le réseau des artistes et des marchands d'art» fait la lumière sur les rapports entre les artistes et un marché de l'art florissant au niveau local. La dernière section est consacrée à «L'affiche en tant que nouvelle forme d'art» et aux illustrations de revues. L’exposition couvre la période de 1885 au début de la Première Guerre mondiale, qui marque le départ de la plupart des artistes vers Montparnasse.
Un caractère presque rural
Le quartier de Montmartre, qui a pris le nom de la colline sur laquelle il s’est développé, a été intégré à Paris en 1860. Il offre un contraste frappant avec le Paris chic des grands boulevards et des avenues géométriques du baron Haussmann. Avec ses carrières abandonnées, ses vieux moulins, ses jardins, ses terrains vagues et son bidonville connu comme le «Maquis», il a conservé un caractère quasi rural. C’est un terrain d’élection pour les peintres et les poètes, les écrivains et les compositeurs tels Paul Verlaine, Jacques Offenbach et Erik Satie. Ils y ont tous trouvé un hébergement bon marché, vivant en compagnie des acteurs, des lavandières et des couturières au Bateau-Lavoir, probablement le plus célèbre immeuble d’ateliers. La pauvreté n’était pas seulement rendue dans les tableaux des artistes, mais constituait un élément crucial de leur cadre de vie, de leur attitude bohème, reflétant leur désir de liberté individuelle et artistique. Les artistes choisissaient des thèmes de leur vie quotidienne, leur imprimant des perspectives inattendues grâce à leur vécu personnel.
 Marie Laurencin, Apollinaire et ses amis, 1915. Huile sur toile, 130 x 194 cm Centre Pompidou, Paris Musée national d'art moderne/ Centre de création industrielle bpk | CNAC-MNAM | Jean-Claude Planchet.
Montmartre en tant que microcosme artistique a trouvé sa première expression littéraire dans le roman d’Henry Murger, Scènes de la vie de bohème (1847-1849). Le quartier a rapidement attiré de nombreux artistes, qui ont délibérément choisi une vie de bohème et de pauvreté en marge de la société, même s’ils provenaient souvent de familles riches. Leur nouvelle identité - des étrangers et déclassés par choix personnel - s’est reflétée de façon impressionnante et réaliste dans leur art. L'exposition rassemble des œuvres remarquables sur toile et sur papier, des photographies historiques, des affiches et des œuvres graphiques, provenant de musées et de collections particulières, allemands et étrangers, dont le Musée d'Orsay à Paris, la Tate Gallery à Londres, le Musée Van Gogh à Amsterdam, le Kunsthaus de Zurich, le Museu Picasso de Barcelone et le Musée d'art moderne de New York. Des œuvres de 26 artistes, dont Pierre Bonnard, Ramon Casas, Edgar Degas, Kees van Dongen, Vincent van Gogh, Max Jacob, Marie Laurencin, Pablo Picasso, Henri de Toulouse-Lautrec, Suzanne Valadon et d'autres moins connus mais tout aussi fascinants, restituent l'atmosphère unique de Montmartre vers 1900.
PUBLICATION :
• Esprit Montmartre. Bohemian Life in Paris around 1900 / Die Boheme in Paris um
1900. Sous la direction d’Ingrid Pfeiffer et Max Hollein. Avec une introduction de Max Hollein et des essais de Nienke Bakker, Markus A. Castor, Phillip D. Cate, Danièle Devynck, Anita Hopmans, Peter Kropmanns, Chloë Langlais, Vinyet Panyella, Robert McD. Parker et Ingrid Pfeiffer, ainsi que des biographies des artistes et une carte historique avec les adresses des ateliers, lieux de divertissement, galeries, etc. par Michael Raeburn. Éditions en allemand et en anglais, chacune de 320 pages avec environ 320 illustrations couleur, 24 x 29 cm, reliure cartonnée, maquette par Kühle und Mozer, Cologne; éditeur Hirmer Verlag, Munich, 30 € (Schirn), 49,90 € (dans le commerce)
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