Dans son Dictionnaire abrégé du surréalisme, André Breton définissait Dalí comme « le prince de l’intelligence catalane ». Dalí s’est en effet intéressé à toutes les disciplines scientifiques, de l’astrophysique à la théorie de la relativité, de la psychanalyse à la génétique, jusqu’aux théories contemporaines et très complexes des catastrophes ou des cordes. Cette curiosité universelle fait de Dalí un héritier des grands maîtres de la Renaissance. La science nourrit sa pensée, sa capacité à interpréter le monde extérieur comme sa propre psyché. Elle répond à son besoin fondamental de chercher, dans l’univers et ses règles, la vérification d’une intuition personnelle et irrationnelle. Assimilant le Temps à une matière malléable – à du camembert coulant –, Dalí revendique l’héritage des grands maîtres du Passé tout en opérant une projection, une prémonition sur l’Avenir.
Dès ses années de formation, Dalí montre un intérêt pour l’astronomie, la psychanalyse, les sciences naturelles, l’entomologie, la théorie de la relativité. Il a accès à ces disciplines à la Residencia de estudiantes de Madrid, où le philosophe José Ortega y Gasset, traducteur de Freud, Einstein ou encore Marinetti, organise conférences et rencontres. Au tournant des années 30, l’artiste élabore sa célèbre théorie de la Méthode paranoïaque-critique, largement dominée par les thèses de la psychanalyse, qui montrera de réels points de convergence avec les recherches du jeune Jacques Lacan sur la paranoïa. Dalí envisage dès lors de lier plus intimement art et science. Les premiers essais nucléaires puis les bombes sur Hiroshima et Nagasaki en 1945 l’amènent à s’intéresser à la structure atomique de la matière. Effectuant un retour au catholicisme, il propose des représentations nucléaires des figures de l’art sacré, Christ et madones.
Dalí n’hésite pas à aller à la rencontre des savants : il rend visite à Freud à Londres en 1938, puis à Francis Crick à New York (prix Nobel en 1962 avec Watson pour la découverte de la structure de l’ADN). Il rencontra Dennis Gabor, prix Nobel de physique pour la découverte de l’holographie qui occupera Dalí dans les années 70. Enfin, René Thom, l’auteur de la théorie des catastrophes et Marcel Pagès et la théorie de l’antigravitation. C’est d’ailleurs en compagnie de Marcel Pagès que Dalí se rend à Céret le 27 août 1965, pour une journée fantasque et riche en événements largement évoquée dans l’exposition. En 1985, Dalí réunissait dans son musée de Figueres un aréopage de scientifiques de renommée mondiale pour un symposium intitulé « Procès au hasard ». Très affaibli depuis la disparition de sa femme Gala, le maître suivait les débats par vidéo transmission de sa chambre. Ces moments poignants de celui qui était terrorisé par la mort et qui s’était promis l’immortalité physique, attestent d’un insatiable appétit de connaissance et de curiosité pour les sciences.
L’exposition est organisée en une série de chapitres thématiques traitant d’un domaine scientifique réinterprété par la méthode paranoïaque-critique dalinienne. Une approche originale de l’œuvre de l’artiste visionnaire. La science – et l’exposition du musée d’art moderne de Céret – apportent la preuve que « La seule différence entre un fou et [lui], c’est [qu’il n’est] pas fou ».
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