Le dialogue qui s’instaure entre les œuvres de William Kentridge et le site hospitalier exceptionnel qui les accueille fait de l’art un médium puissant pour unir les différentes strates de l’histoire.
Depuis qu’il a fait ses débuts à l’international lors de DOCUMENTA X en 1997, l’artiste sud-africain William Kentridge a su asseoir une renommée planétaire. Son œuvre la plus célèbre regroupe dix dessins animés sous le titre de Drawings for Projection (1989-2011). Sa production artistique se caractérise par une incroyable diversité, incluant des dessins, des gravures, des tapisseries, des sculptures, des exposés et même des opéras. Cette exposition présente une collection unique d’œuvres sélectionnées parce qu’elles s’inscrivent dans le prolongement du contexte du Sint-Janshospitaal de Bruges, une institution de soins fondée il y a 850 ans de cela et qui compte parmi les plus anciennes d’Europe encore préservées de nos jours. Illustrant les thèmes du traumatisme et de la guérison, cette représentation s’articule autour de l’œuvre centrale de Kentridge, l’installation vidéo More Sweetly Play the Dance (2015), une interprétation contemporaine de la Danse macabre du Moyen Âge.
« Aujourd’hui, l’hôpital Saint-Jean abrite un musée consacré à l’art du grand primitif flamand Hans Memling, tandis que quelques-unes des œuvres maîtresses de ses prédécesseurs Hugo van der Goes et Jan van Eyck sont exposées au Groeningemuseum tout proche. La proximité de ces chefs-d’œuvre a fait ressortir un élément central de l’art de Kentridge en général : son engagement très complexe envers l’art du passé. Il s’avère ainsi que Bruges, avec toute la richesse de son histoire – telle qu’illustrée par des vestiges culturels comme l’hôpital Saint-Jean –, est un cadre qui convient étrangement bien à un artiste pour qui le passé est toujours inéluctable et, en même temps, trop facilement effacé. Il a aussi semblé utile d’inclure dans l’exposition le travail d’un artiste belge du passé récent dont la position esthétique, le choix des médias, les formes d’auto-présentation et l’éventail des thématiques serviraient de faire-valoir aux œuvres de Kentridge. L’art de Marcel Broodthaers répond magnifiquement à ces critères, et l’inclusion d’œuvres de ce représentant excentrique de l’avant-garde européenne a été facilitée par la présence fortuite d’une série de beaux spécimens de son art à Bruges. Comme Kentridge le dirait, mieux vaut ne pas dicter au visiter ce que cette association peut produire, mais plutôt lui permettre de tirer ses propres conclusions. »
(Margaret K. Koerner)
PUBLICATION
• Smoke, Ashes, Fable, catalogue de l'exposition sous la direction de Margaret K. Koerner. Textes de Margaret K. Koerner, Benjamin H. D. Buchloh, Joseph Leo Koerner & Harmon Siegel. Mercatorfonds, distribué par Yale University Press, 232 pages, 49,95 €. Disponible en néerlandais, français et anglais.
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