Fred Kleinberg, Fluidité II, 2013, huile sur toile, 200x200 cm. |
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Le spectateur découvre une forêt, dans une autre toile une cascade. Ces lieux, nés de l’imaginaire de Fred Kleinberg, sont autant des réminiscences de ses voyages qu’un désir de nature. Il s’agit de paysages mentaux, marqués par l’absence de toute figure. Le paysage devient ici un écran de l’imaginaire, un espace de projection par excellence. Pour Fred Kleinberg, il est celui de son désir de s’immerger et de disparaître dans la terre. S’instaure alors sur la toile un dialogue avec les sensations du paysage : la brume montant dans les sous-bois, les clapotis des vagues contournant la masse des rochers, la respiration de l’humus. « Comment rendre palpable la vie d’une feuille, d’une branche, d’un tronc, lorsque celui-ci devient aussi vivant qu’un regard », nous dit Fred Kleinberg.
L’artiste dialogue avec l’eau, qui nous apprend à contourner les obstacles. Il peint le cheminement du courant d’une rivière, le vert de la genèse des feuillages, la luminosité de l’air avec une multiplicité de blancs. Cette nouvelle thématique se veut purification, initiation et transformation. Bien qu’absente de cet espace feuilleté de paysages, la figure humaine est présente par le spectateur qui se retrouve à l’intérieur d’une nature sauvage, composée selon le principe « all over ». La cascade bleue évoque ainsi des panoramas cinématographiques. La forêt fait écho à des paysages déjà vus. Ces tableaux apparemment réalistes appartiennent au nouveau cycle de Fred Kleinberg sur le paysage. L’artiste procède par thème, qu’il élabore pendant deux à trois ans, et qui constitue une vision idéale d’une exposition. Son univers pictural se nourrit autant de ses lectures actuelles sur la géopolitique, des événements marquants que des expériences de voyages réels et imaginaires. Fred Kleinberg se souvient d’une fête bouddhiste consacrée à l’eau en Birmanie. La peinture figurative est son moyen d’expression, d’écrire son journal, elle se réfère ici autant à la tradition de Courbet qu’à Hokusai, qu’aux films récents. La mythologie personnelle de « REBORN GENERATION » est issue de sa réflexion de l’être au monde, au sens d’une transformation permanente.
Cette exposition met en évidence les correspondances entre l’homme et le principe dynamique de la nature, inhérente à chaque être. « La transformation de la violence en beauté » dont nous parle Fred Kleinberg, aboutit à la nature sauvage, cette autre face organique de l’intériorité de l’homme. Au sens de Cézanne : « Le paysage se pense en moi et je suis sa conscience ». Cette invocation de la nature inscrit l’humain dans une cosmogonie en correspondance avec les éléments et les changements de saison, les cycles de la lune et l’alternance des marées basses et hautes. Dans les dessins de Fred Kleinberg, la figure humaine est perçue comme un corps composite dont chaque partie est reliée à l’univers, appartenant aussi bien aux règnes végétal, minéral qu’animal. Compris dans sa relation avec son environnement naturel, l’homme devient alors une interface vivante, propre à suggérer une nouvelle alliance entre nature et culture. Celle-ci reconfigure notre statut de « maître et possesseur de la nature » pour mieux souligner ce qui nous constitue comme un « co-vivant ». Au moment où la biodiversité naturelle des environnements est le souci fondamental, la chair du monde, devient à nouveau un lieu d’initiation.
L'état moléculaire instaure alors une autre échelle : celle de la matière vivante. Les processus de transformation et leur nature temporelle défont la préséance de la figure humaine, en soulignant la continuité complexe qui lie les êtres vivants dans le même humus. Elle l’inscrit dans la deuxième dimension de la croissance rhizomique de Deleuze : un continuum sans début ni fin, sans centre, ni périphérie. Cette phusis instaure un autre temps imperceptible qui n’est plus celui de la scansion, mais celui de l’immanence.
Jeanette Zwingenberger
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