Depuis l’exposition des sculptures de Botero sur les Champs-Élysées en 1992, aucune exposition organisée par un musée à Paris n’avait montré l'autre partie de son œuvre, les peintures, aquarelles et dessins. Pour permettre au public de mieux découvrir cette dimension de son talent, le musée Maillol présente 100 œuvres récentes, certaines de formats monumentaux.
Comme le rappelle Marc Fumaroli, ce qui irrite et désespère chez cet artiste colombien, c’est que sa manière d’inventer et de procéder est parfaitement étrangère à l’orthodoxie de la modernité internationale.
En revisitant les proportions, Botero transforme ce qu’il voit. Il a le pouvoir de faire grossir ce qui est petit ou de diminuer ce qui est gros. Les Femmes à la plage, 2002 deviennent des sortes de jeunes filles baleines, tandis que la Danseuse à la barre, 2001 permute le lourd en léger, en laissant reposer sa masse sur un pied gracile
Le temps arrêté
Les sujets d’inspiration de cette œuvre inclassable sont fortement empruntés à la culture de l’Amérique latine, de ses villages, des scènes de genre où les personnages représentent par leurs vêtements leur condition sociale. Scènes de bal, d’orchestre, portraits, maisons closes ou bourgeoises, partout le temps semble s’être arrêté dans les années trente. On le perçoit dans les robes des femmes, les pas de danse qui évoquent la valse ou le tango, les ustensiles de cuisines ou les machines à coudre Singer. Cette fixité des choses qui introduit une intemporalité est aussi présente dans les scènes de tauromachie.
La violence et la cruauté
Mais l’exposition au Musée Maillol présente aussi un thème plus explicitement lié aux œuvres récentes. Sensible aux drames qui traversent l’histoire de la Colombie, Botero a choisi de montrer par sa peinture la violence et la cruauté qui frappent son pays. Des œuvres comme Massacre en Colombie, 2000, Femme en pleurs, 1999, Séquestré, 2002 épouvantent le spectateur par l’horreur que le peintre n’hésite pas à dévoiler. Scènes de meurtres, fleuve charriant des cadavres, images d’enlèvements appartiennent désormais à cette œuvre qui semblait préférer le burlesque au drame, la douceur matinale des couleurs de la Renaissance aux images sanglantes des corps suppliciés.
Dans une époque qui privilégie le concept en art, Fernando Botero a rendu à la peinture sa fonction de donner aux idées une apparence, de permettre à la pensée de s’incarner dans le visible. Son œuvre s’inscrit dorénavant dans les courants figuratifs du XXe siècle, à côté de Morandi, de Francis Bacon, de Balthus et de Picasso.
Catalogue de l'exposition 168 pages, 35 €
|