NAPOLÉON(S)
de la propagande à la légende

Certains mythes historiques sont le produit de la propagande. C’est le cas de la légende napoléonienne. Napoléon Bonaparte n’a pas inventé le culte de la personnalité, ni la plupart des moyens de propagande dont il s’est servi, mais il les a le premier utilisés de manière consciente et systématique pour agir sur l’opinion publique, afin d’affermir son pouvoir et de modeler son image posthume, en ne reculant pas au besoin devant la falsification. L’immense répercussion du mythe qu’il a forgé est à compter au rang des plus grands succès de sa carrière.

Des thèmes éternels

La postérité se contentera de faire des variations, suivant l’heure, sur chacun des thèmes sans en inventer de nouveaux, comme si Napoléon avait su satisfaire à l’avance tous les appétits de gloire, toutes les nostalgies patriotiques, tous les rêves épiques, tous les intérêts politiques. Héritier de la Révolution, homme providentiel, maître du monde, petit caporal, Christ à Sainte-Hélène...Il a tout à la fois offert un étendard aux courants politiques les plus divers - des Républicains à la droite extrême - une source d’inspiration aux artistes, un modèle aux autocrates des siècles suivants, un argument de vente aux fabricants ou, à l’opposé, une figure de croquemitaine cumulant des haines aussi acharnées que les admirations. On verra aussi bien en lui l’incarnation de "l’énergie", de "l’ordre", du "peuple", du "génie français", de "l’âme du monde", du "condottiere", que de "l ’Antéchrist", un "Néron corse" ou "un composé de vices et de méchancetés"...
Illustration : Bonaparte au pont d’Arcole. Pendule en bronze, 19e siècle. © Musée national napoléonien d’Aix

Le paradigme du Grand Homme

Les ambiguïtés et les contradictions de ces images s’expliquent par le "pragmatisme" de Napoléon. Son action est toute commandée par les circonstances et non par des idées ou un système, et ces circonstances l’incitent à mettre en avant telle ou telle facette de son personnage, à adopter telle ou telle posture, composant un répertoire inlassablement repris, avec souffle ou sur le mode du radotage, par les thuriféraires de celui qui a fini par apparaître comme le paradigme même du Grand Homme. En 3 parties , Napoléon créateur de son mythe, La mort du demi-dieu et Le mythe créateur de Napoléon, le musée de l’histoire de France évoque la légende napoléonienne à l’aide d’une centaine de documents originaux - testament original de Napoléon - et pièces d’archives, œuvres d’art, objets - du chapeau de Napoléon aux "produits dérivés" - luxueux ou dérisoires, documents audiovisuels, interviews d’historiens et d’hommes politiques.

Un autre musée

En 1995, les Archives de France et le Centre historique des archives nationales ont décidé, pour des raisons tant scientifiques qu’esthétiques, de vider complètement les espaces du musée qu’avait fondé en 1867 Léon de Laborde, directeur général des Archives de l’Empire. Un projet scientifique et culturel a été élaboré. Cette exposition-test est l’occasion de passer à des propositions concrètes en matière scénographique et muséographique. Tout autant qu’une célébration commémorative, il s’agit d’offrir une préfiguration des salles du futur Musée qui seront consacrées aux mythes fondateurs de notre mémoire commune. Les visiteurs se verront remettre un guide de visite contenant un questionnaire sur leur appréciation de l’exposition et des trois ambiances et dispositifs élaborées par le scénographe Yves Kneusé. Un nouveau choix de 100 documents sera proposé du 3 mars au 6 juin 2005 et un nouveau parcours permanent sera mis en place à partir de 2006.