Pour Harald Szeemann, seuls trois pays pouvaient être qualifiés de visionnaires : la Suisse, l’Autriche et la Belgique. Après la Suisse visionnaire présentée à Zurich en 1991, et l’Autriche visionnaire à Vienne et Madrid - qu’il avait lui-même accueillie à Bruxelles au printemps 1998 - le Palais des Beaux arts lui avait demandé de concevoir une exposition dans la même lignée. Szeemann y esquisse une image personnelle et non-orthodoxe de la culture et de l’histoire de la Belgique, de 1830 à nos jours. Sa disparition brutale quelques jours avant le vernissage l'empêche de présenter lui-même son œuvre finie, mais tout son esprit est là.
Le tendances cachées du pays
Le titre de l’exposition fait référence à l’existence de pays dans lesquels l’histoire culturelle connaît un cours déviant. Les projets véritablement fantastiques de quelques individus - qu’il s’agisse d’artistes, d’inventeurs ou d’autres -, et des traditions populaires locales bien vivantes y déterminent l’aspect de l’art et de la culture. Le concept est similaire aux précédents : un récit qui n’est ni linéaire, ni historique. L’ensemble se base sur des associations entre chefs-d’œuvre au contenu sensiblement similaire. Szeemann met en scène et révèle des tendances cachées du pays. Et le sous-titre C’est arrivé près de chez nous rappelle le film-événement de Benoît Poelvoorde.
Un concept rafraîchissant
Si je dis « visionnaire », soulignait Szeemann, c’est qu’il ne s’agit pas d’une simple exposition d’art. Même si l’art visuel est le fil rouge de l’exposition, le but est de capter, par des voies synthétiques ou dialectiques, le génie d’un pays aux frontières données, en l’occurrence la Belgique. L’exercice est périlleux, mais c’est ce que j’aime : par le médium d’une exposition à entrées multiples, mais toujours sur le mode poétique, j’essaie de donner forme à la spiritualité d’une région, d’un pays et de ses habitants. D’en dégager l’indicible, ou l’invisible, grâce à l’art, à la littérature, aux inventions, à la science, aux mœurs, aux traditions et aux anti-traditions, à la foi et aux révoltes, qu’elles soient dans ce cas wallonnes, flamandes ou bruxelloises. Bref, d’en faire un monde ».
Illustration : Harald Szeemann © D.R.
Originalité et non conformisme
L’exposition réunit des œuvres anciennes et contemporaines. L’originalité et le non-conformisme constituent le fil conducteur du projet. Un parcours thématique rassemble aux côtés de grands noms comme Ensor, Delvaux, Magritte, Spilliaert, Khnopff, Rops, Permeke, Panamarenko, De Bruyckere ou Broodthaers, des figures parfois moins célèbres mais tout aussi surprenantes. Elle est conçue comme une manifestation pluridisciplinaire où se côtoient les arts plastiques, l’architecture - Victor Horta, Henry Van de Velde...- et le cinéma - André Delvaux, Storck/Ivens,Thierry Zéno -, tandis que la musique et la littérature belge font l’objet d’une approche tout à fait originale. Et les personnages historiques ne manquent pas à l’appel. Il y a l’histoire de la Belgique, la révolution au théâtre, la frontière linguistique, la politique de colonisation, les rois et les banquiers. La Belgique est un pays de collectionneurs, de commissaires d’exposition et de directeurs de musée excentriques... résumait Harald Szeemann.
Sponsor : Fortis. Avec le soutien de Africalia et DGOS
PUBLICATION
Guide visionnaire, 96 p., ill., avec un hommage à Harald Szeemann et une biographie, des textes en néerlandais et français de Harald Szeemann, Oscar Van den Boogaard, Luc Lambrecht, Geert Van Istendael, Leen Huet, Laurent Busine, Bernard Marcelis, Pierre-Olivier Rollin, Michel Baudson , et un itinéraire de l'exposition Editions Fonds Mercator & Palais des Beaux-Arts. 15€, 10€ avec l'achat d'un ticket d'entrée.
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