En novembre 2001, François Martin a confié au Musée historique de Lausanne quelque 30'000 photos, l’ensemble de l’œuvre de sa mère, la photographe lausannoise Germaine Martin (1892-1971). Ce fonds exceptionnel permet aujourd’hui au musée de présenter cette première rétrospective qui, à travers plus de deux cents photographies souvent inédites, quelque quatre-vingts projections, des documents d’archives et des objets personnels, apporte un panorama complet du travail de Germaine Martin et de tous les genres qu’elle a développés. Un parcours dans l’univers du nu, du portrait, du reportage et de la publicité, et le regard d’une femme à l’avant-garde de la photographie suisse.
Un regard lumineux sur le monde
Germaine Martin porte un regard lumineux sur le monde, les corps, les visages surtout. Au gré des envies et des commandes, elle saisit les portraits de centaines d’anonymes et de célébrités : Louis Armstrong, Clara Haskil, Arthur Honegger ou Charles Ferdinand Ramuz... Elle privilégie les plans rapprochés, morcelle les figures, joue des lumières. Ses portraits, magnifiés par l’angle de vue, l’éclairage, le cadrage, révèlent aujourd’hui une recherche esthétique aboutie, qui inscrit Germaine Martin dans la lignée des « faiseurs de modernité ». Elle s’initie à la photographie de nu dans l’atelier de son mari, pour lequel elle fixe les poses de ses modèles, mais en fait très vite un champ d’expérimentation artistique et de liberté créatrice.
La recherche d’une esthétique
À ses débuts, Germaine Martin produit de belles épreuves d’inspiration pictorialiste, photographies d’art plutôt que reproductions mécaniques du réel. Puis elle s’approprie progressivement les principes de l’esthétique nouvelle portée par les courants avant-gardistes de l’époque. Mais elle le fait avec modération, privilégiant les subtiles recherches de composition, apportant un soin extrême aux cadrages et aux éclairages. Les recherches conceptuelles et formelles, notamment celles de la Nouvelle Objectivité allemande, qui ont parfois produit des images sèches et froides, ne correspondent pas à sa sensibilité, ni à sa conception de la photographie. Chez elle, pas d’éclairages violents et tranchants, pas de ruptures, de cassures brutales, ni de géométrie rigide et anguleuse, mais une lumière chaude et des formes rondes et douces, une harmonie dans les dégradés de tons, entre les zones d’ombre et de lumière, reflets du regard plein d’humanité qu’elle porte sur le monde.
Illustration : Germaine Martin Portrait de Charles Ferdinand Ramuz. MHL/Germaine Martin
Des instants de vie d’une forte intensité
Germaine Martin pose un regard incisif et sensible sur l’être humain, qu’elle saisit dans ses activités quotidiennes, dans sa relation avec la nature. Rien n’échappe à son objectif : paysages aux cadrages amples ou, au contraire, serrés sur les lignes verticales dessinées par les plants de vigne, vignerons ou pêcheurs saisis en plein effort, géométrie des voiles ou des filets. Les séries sur le cirque Knie ou sur les gitans aux Saintes-Maries illustrent bien sa capacité à retranscrire une atmosphère, à capter des instants de vie d’une forte intensité.
PUBLICATION
Catalogue de l’exposition. Textes d’ Alain Clavien, Laurent Golay, Magali Junet, Anne Leresche et Olivier Lugon. 160 pages, 166 illustrations. MHL/Benteli Verlag. Euros 26.-, CHF 39.-
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