Pour sa première exposition consacrée aux Primitifs flamands, le Palais des Beaux-Arts de Lille a choisi un petit maître de la fin du XVe siècle, identifié en 1926 par l’historien de l’art J. Max Friedländer, inconnu du grand public et, à vrai dire, toujours énigmatique pour les spécialistes. Même si le groupe d’œuvres attribué à son atelier est parfaitement cohérent, il ne peut encore s’agir d’une rétrospective, mais bien plutôt d'une tentative originale pour concilier le regard du chercheur et celui du grand public. Au-delà de la qualité et de l’intérêt des œuvres présentées, elle offre au visiteur la possibilité de se familiariser avec la démarche des historiens de l’art, en même temps que le plaisir d'exercer son œil et d’apprécier les détails passionnants de la création artistique et de ses techniques.
Tant de similitudes confondantes
Les historiens de l’art retiennent deux grands critères d’attribution pour le Maître du feuillage brodé : le traitement des feuillages par de petits points systématiques, lumineux et précis comme des points de broderie, et un modèle de Vierge que l’artiste aurait créé à partir d’œuvres de Rogier Van Der Weyden, en particulier la Vierge dessinée par saint Luc et la Madone Duràn. L’exposition de Bruges sur les Primitifs anonymes flamands, en 1969, a quelque peu remis en question les critères fondés sur le traitement du paysage, et il n’est pas exclu qu’une constellation de peintres puisse être reconstituée à partir des tableaux rassemblés pour l’exposition. Mais plutôt que de fragmenter cette présentation entre différents maîtres ou ateliers supposés, on a pris le parti de chercher les raisons de tant de similitudes confondantes d’une œuvre à l’autre et d’en explorer les ressources.
Un monde à la frontière du réel et du sacré
La représentation minutieuse des villes et des paysages, assez caractéristique de l’art des petits maîtres anonymes de la fin du siècle, n’est pas que l’effet d’une coquetterie. Les visiteurs pourront découvrir ici la naissance d’un paysage flamand d’expression intermédiaire entre gothique et naturalisme, et apprécier la mise en scène d’un monde recomposé par les artistes. Un paysage rempli de symboles traités de manière "réaliste" : une Vierge à l’Enfant vêtue de rouge dans un jardin clos, des saints, saintes ou anges musiciens, des paysages de Paradis, des fleurs et des animaux, les activités quotidiennes... La représentation d’un monde à la frontière du réel et du sacré, rendu par les effets d’un art appliqué et savamment conçu.
Illustration : Sainte Barbe. Attribué au Maître au feuillage brodé, Rotterdam, Musée Boijmans van Beuningen.
PUBLICATION
Catalogue de l’exposition. Textes de Florence Gombert et Didier Martens, 128 pages, 120 illustrations (couleur et noir et blanc). Editions RMN, 25 €.
Deux journées d’étude consacrées aux méthodes d’attribution seront organisées les 23 et 24 juin. Les actes de ce colloque constitueront une prolongation du catalogue de l’exposition.
Cette exposition est reconnue d'intérêt national par le ministère de la Culture et de la Communication/Direction des musées de France. Elle bénéficie à ce titre d'un soutien financier exceptionnel de l'Etat. L'exposition est organisée par la Ville de Lille/Palais des Beaux-Arts, sous l'égide de FRAME (French Regional and American Museums Exchange). Elle bénéficie de l'aide du FEDER, du ministère de la Culture et de la Communication (DRAC Nord Pas-de-Calais), du Conseil régional du Nord Pas-de-Calais et du Conseil général du Nord.
Elle a été réalisée avec le mécénat du Crédit du Nord.
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