Pour la première fois, la pyramide du Louvre devient espace d’exposition, en accueillant l’installation monumentale d’un artiste contemporain, Tunga. En commandant une oeuvre à l'artiste brésilien, le musée, qui confirme son engagement en faveur de l'art d'aujourd'hui, a voulu lancer un signal fort et spectaculaire dans le cadre de l'année du Brésil, rendant compte de la créativité de l'art contemporain brésilien et faisant écho à l'exposition Frans Post, le Brésil à la cour de Louis XIV qu’il présente au même moment. À la vision picturale et documentaire d'un artiste hollandais du XVIIe sur les paysages du Brésil, répond la vision d'un artiste brésilien sur l'univers du Louvre et les relations entre les deux Mondes.
Un artiste contemporain majeur
Tunga (Antonio José de Barros Carvalho e Mello Mourão), architecte de formation, né en 1952, est aujourd'hui considéré comme un artiste contemporain majeur au Brésil. En France, son oeuvre a été présentée à la Galerie Nationale du Jeu de Paume en 1992 et en 2001. Elle fait souvent référence à la littérature, et intègre la photographie, la vidéo ou la performance, composant ainsi des dispositifs narratifs et poétiques complexes. La luxuriance et l’aspect contrasté de ses compositions évoquent l’art baroque. L’œuvre qu’il expose au musée du Louvre est une sculpture accrochée par une potence au pilier central de l'espace sous pyramide. Elle semble pouvoir balancer, à la manière des marionnettes. À partir de l’entrecroisement de trois grandes cannes de fer, pendent des parties « molles » : un hamac, une tresse, une chevelure, dans lesquels se trouvent pris des éléments « durs », comme les crânes, ou les têtes de statues célèbres de la collection du Louvre.
Alchimie du verbe et du travail humain
La lumière, au travers de la pyramide en verre, inonde l’œuvre de reflets noir et or.Cet assemblage de métaux n’est pas sans évoquer les processus alchimiques auxquels Tunga se réfère souvent. Alchimie qui est autant celle du verbe, que celle traditionnelle du travail humain sur les minerais. On retrouve, comme dans les oeuvres antérieures (Lizart, 1989), une analogie entre les énergies métalliques et celles du corps humain. Les installations de Tunga fonctionnent en effet selon un processus de « contagion mutuelle » qui associe différents types d’identités, fixes ou fluides, pour assurer la circulation de l’énergie. Une analogie temporelle se dessine entre ce qu’il reste de notre monde, symbolisé par la présence de têtes célèbres du musée, et les crânes suspendus au-dessus d’elles, qui pourraient être leur reflet transformé par le miroir de l’art
Regarder le monde à la lumière des deux mondes.
Tunga mêle dans son oeuvre le présent et le passé, l’ombre et la lumière, le matériel et le spirituel. Il réunit les deux aspects de l’âme brésilienne : la nature prolifique, l’état sauvage, d’une part, et l’ordre et le progrès d’autre part À travers cette création originale, il nous propose de relire de façon critique l’histoire des relations entre les pays colonisateurs et les anciennes « terres neuves », en déconstruisant les oppositions et les hiérarchies si rassurantes concernant la nature et la culture, l’Europe et l’Amérique, les beaux-arts et l’artisanat... Face au modèle européen des Lumières, ce n’est pas la prétendue obscurité sauvage du Nouveau Monde qui apparaît : il nous faut désormais regarder le monde à la lumière des deux mondes.
Illustration : Tunga A la lumière des deux mondes,
glissée Installation avant montage ©Wilton MONTENEGRO
L'exposition a bénéficié de la générosité de M. Max Blumberg et M. Eduardo Araújo (American Friends of the Louvre), et du soutien du comité des mécènes français de « Brésil, Brésils » (Accor, Arcelor, Areva, CNP assurances, Suez). L'oeuvre a été produite grâce au soutien de la Galerie Daniel Templon, Paris, et de celui de la galerie Millan Antonio, São Paulo.
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