Abbas Kiarostami et Víctor Erice sont nés à une semaine d’intervalle en juin 1940, l’un dans l’Iran de l’ancien régime, l’autre dans l’Espagne de Franco. Ce n’est à vrai dire que l’une des multiples correspondances entre ces deux hommes de cinéma que cette exposition analyse en profondeur. Ce faisant, elle tente de résoudre un certain nombre de problèmes peu abordés jusque là : comment exposer le cinéma, le montrer en même temps que des images d’une autre nature - peintures et photographies - et comment faire d’une exposition, pour chaque spectateur, une expérience personnelle du regard.
Le temps matière première
Aucun de ces deux metteurs en scène ne s’est jamais soumis aux lois de l’industrie et du marché du cinéma. Ils avancent dans leur travail avec la souverainetét tranquille de l’artiste. C’est leur première ressemblance. Le choix de leurs thèmes en est une autre. Pour eux, le cinéma est indissociable de l’enfance, dont ils ont fait à la fois leur source d'inspiration et leur grand sujet. Mais ils se sont aussi retrouvés sur bien d’autres thèmes : le paysage, les chemins, la nature, les arbres, le silence ou la méditation. Kiarostami et Erice s’attachent aux mêmes aspects formels. Leur cinéma prend le temps de contempler les choses de ce monde. C’est un cinéma fait d’observation attentive, de patience et d’attention aux plus petites choses. Leur matière première est le temps.
L’enfance de l’art et l’art de l’enfance
Deux audiovisuels comparent les filmographies de Kiarostami et Erice. L’enfance de l’art rappelle leurs points de convergence dans les sources formelles de leurs films, et leur approche morale de la représentation du monde. L’art de l’enfance explique leur communion profonde sur le thème de l’enfance. À partir de là, deux routes à travers le travail des deux artistes s’ouvrent aux visiteurs. Ceux qui commencent par Kiarostami finiront avec Erice, et vice-versa. Víctor Erice présente La mort rouge, un essai sur son expérience initiatique du cinéma, et une œuvre consacrée a sa relation avec le peintre Antonio Lopez, protagoniste de son film El sol del membrillo. Les visiteurs qui prennent d'abord le chemin d’Abbas Kiarostami peuvent voir une sélection de ses très célèbres photographies. Parmi ses autres œuvres, Forets sans feuilles, une installation qui invite les spectateurs à se promener parmi des photographies d’arbres grandeur nature, et deux vidéo installations Dormeurs et Plus vieux de dix minutes
Correspondance
Au carrefour de ces routes, apparaît Correspondance, une installation réunissant les lettres en format mini DV écrites/filmées par Kiarostami et Erice pendant la préparation de l’exposition. Les lettres qu’ils se sont envoyés sont des séquences de leur réalité la plus immédiate, à l’aide desquelles ils construisent une nouvelle réalité filmique, qui ne prend son sens qu’à travers l’exposition. C’est une expérience entièrement nouvelle, encore enrichie par la qualité et l’éclat des deux artistes, invités à dialoguer dans un espace qui n’est pas celui auquel ils sont habitués. Une œuvre qu permet au spectateur de mieux comprendre la personnalité des deux hommes et leur conception de la création cinématographique.
Ilustration Abbas Kiarostami, Pemière lettre. Mashad 5 Septembre 2005, fotogramme
Publication
Catalogue de l'exposition Textes de Jordi Balló, Alain Bergala, Jean-Philippe Tessé, Dominique Païni, Gonzalo de Lucas, Miguel Marías and Charles Tesson 17 x 24 cm; 176 pages; 200 ill. noir et couleurs 15€
L’exposition est organisée par le Centre de Cultura Contemporània de Barcelone et La Casa Encendida de Madrid. Après Barcelone, elle sera présentée à Madrid du 4 juillet au 21 septembre 2006.
Pour voir d'autres illustrations, cliquez sur ENGLISH VERSION en haut de page
|