Le purgatoire existe pour les artistes. Maurice Mazo fait partie de ces vrais peintres qui furent négligés de leurs contemporains. Cette rétrospective, montée grâce aux donations de sa famille, et présentée à Beauvais, Poitiers, Niort et Boulogne-Billancourt, va permettre au public d’apprécier cet artiste inclassable, qui aborde avec la même passion tous les genres, et de lui redonner la place qu'il mérite.
Une écriture baroque et romantique
Né en 1901 à Mostaganem, Maurice Mazo arrive d’Algérie à Paris à la fin de la Première Guerre mondiale, en 1919. À l’Académie Julian, il fréquente l’atelier du fauve Othon Friesz, qu’il remplacera en 1949 à la tête de la Grande Chaumière. Élève puis professeur, il affirme son métier de peintre avec ferveur et persévérance. Il se lie avec Despiau et Bourdelle, qui lui reconnaissent un sens de la forme et des volumes digne d’un sculpteur. Imprégné de l’Ecole de Paris de l’entre-deux-guerres, Mazo est foncièrement indépendant. Fidèle à la tradition classique, il se tourne résolument vers les maîtres, Rubens, Véronèse, Delacroix, en quête d’une perfection picturale qui lui semble perdue au regard des recherches plastiques de son temps. Puissant et austère, violent et sensuel, parfois tendre et plein d’humour, son goût le porte vers une écriture baroque et romantique. Ses sujets doivent beaucoup à l’Antiquité ou à l’histoire sainte, et lorsqu’il peint des modèles ou des Parisiennes, elles ont souvent des airs d’Ariane ou de Judith...
À contre courant
Dans des compositions à multiples figures où triomphe un coloris éclatant, Mazo traite la scène de genre contemporaine - le monde de Montparnasse - avec verve et originalité. Il revisite la mythologie et peuple une nature luxuriante des héros et des dieux, dans ses dessins et peintures, où la volupté et l’érotisme expriment un vrai bonheur de vivre. Après la Seconde Guerre mondiale, le sujet n’est plus de mise et l’on s’intéresse davantage au signe. Imperturbable, Maurice Mazo, fidèle à ses convictions, continue de tracer sa route, désormais à contre-courant, tout comme ses amis Cavaillès, Nakache ou Terechkovitch. Homme de son temps, sans œillères, il dialogue - et polémique - avec les «modernes», Raoul Dufy et Henri Matisse. Il n’est pas seul. Avec Robert Humblot, qui a formé en 1935, en compagnie de Jean Lasne, Georges Rohner et Pierre Tal-Coat, le groupe Forces Nouvelles, il veut revenir aux grands exemples de la peinture française de tradition. Tous ces artistes «politiquement incorrects » ne seront que partiellement entendus et soutenus.
Un maître dessinateur
Visite de la galerie, Scène d’atelier, Maurice Mazo est passé maître dans une peinture de mœurs qui frappe par sa justesse de vue, parfois à la limite de la caricature. L’énergie du mouvement de la marche, de la danse, l’animation d’une conversation, sont rendues avec brio. Il utilise l’encre de Chine, quelquefois enrichie de crayon ou de sanguine. Les traits, les hachures et le lavis cohabitent magnifiquement pour exprimer cette spontanéité du regard. La ligne incisive et mouvementée, nerveuse et tendue, qui déforme les volumes, offrant un caractère presque expressionniste, voire baroque, parcourt tout son œuvre graphique. L’histoire de l’art du XXe siècle est loin d’être écrite. Elle se revisitera en partie avec ces artistes trop négligés. De ce parcours stimulant au cœur de la création de Mazo, l’on retient la beauté d’une écriture personnelle qui ne cache pas ce qu’elle doit à la leçon des anciens, et notamment au virtuose de la plume qu’est Delacroix.
Illustration : Maurice MAZO Scène d'atelier, 1935. Plume, encre de chine et sépia sur papier à croquis, 33x44. Beauvais, musée départemental de l'Oise.
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