À l’occasion du centième anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la Russie et la Suisse, le Musée historique de Lausanne a réuni un ensemble exceptionnel de plus de 200 œuvres, objets et documents, prêté par près de 30 institutions et nombre de collectionneurs privés en Suisse et en Russie. Peintures, dessins, estampes, bijoux, photographies, maquettes, journaux intimes, documents d’archives, de Fabergé à Auberjonois, en passant par Nabokov, Jawlensky, Werefkin, Patek Philippe ou Leonhard Euler, révèlent l’extraordinaire richesse de l’histoire des échanges entre les deux pays, de la fin du XVIIe siècle à nos jours. Une histoire dont les acteurs furent architectes, précepteurs, joailliers, vignerons, musiciens, stratèges, photographes, étudiants, révolutionnaires, peintres ou horlogers. L’exposition la décline en deux temps, avant et après 1917, et en deux volets, les Suisses en Russie - les Russes en Suisse. Un court-métrage, réalisé à partir de documents d’archives inédits met en évidence les moments forts de la présence des révolutionnaires, étudiants et anarchistes russes en Suisse aux alentours de 1900, et de quelques moments cruciaux des relations entre les deux pays.
Les Suisses en Russie
De Pierre le Grand aux derniers Romanov, des Suisses ont joué un rôle éminent auprès des monarques russes. Des architectes tessinois viennent en Russie au début du XVIIIe siècle. La Russie leur offre les immenses ressources matérielles et humaines nécessaires à la réalisation de projets de grande envergure. Des générations de bâtisseurs tessinois s’y sont succédées. Des savants suisses jouèrent un rôle prépondérant dans l’essor de la recherche scientifique en Russie. Sous Pierre le Grand, plusieurs savants bâlois participent à la création, puis au rayonnement, de l’Académie des Sciences Kunstkamera de Saint-Pétersbourg. À l’étroit en Suisse, des horlogers, joailliers, émailleurs, miniaturistes - genevois en particulier - iront chercher fortune sur les bords de la Neva, où leur savoir-faire fut apprécié par les impératrices russes pour lesquelles ils réalisèrent des parures somptueuses. .Mais les Suisses émigrés en Russie n’ont pas tous fréquenté les tsars… Ils ont fourni gouvernantes, employés d’hôtel à Saint-Pétersbourg, ou vignerons à la colonie viticole de Chabag. Après les tensions de la Guerre froide, les échanges culturels ont repris. Les artistes suisses et russes s’intéressent à leur patrimoine réciproque tels Juri Shtapakov, créateur d’une édition de l’Histoire de Soldat, ou le scénographe Pierre-Alain Bertola qui a réalisé les décors du Voyage à Reims, de Rossini, au Théâtre Mariinsky.
Les Russes en Suisse
Les Russes découvrent très tôt la Suisse. Ses paysages idéalisés entrent dans l’imaginaire russe grâce aux écrits de Albert de Haller, Jean-Jacques Rousseau et surtout Nicolaï Karamzine. En 1799, le général Suvorov traverse les Alpes à la poursuite des armées napoléoniennes, au cours d’une expédition épique. Le séjour des troupes russes a laissé des traces dans la topographie des lieux notamment à Zürich, et dans l’historiographie russe. Au XIXe et au début du XXe siècle, la Suisse abrite un petit bout de Russie. A. Herzen, P. Kropotkin, M. Bakunin, Vladimir Oulianoff (Lénine) y séjournent, ainsi que nombre d’étudiants. Parmi eux de nombreuses femmes engagées dans la cause sociale. La Suisse leur accorde l’asile politique, tout en les surveillant étroitement. Les idées révolutionnaires provoquent manifestations et débats. À l’aube de la Première Guerre mondiale, la Suisse apparaît comme une oasis pour de nombreux artistes russes. Diaghilev s’installe à Lausanne avec les Ballets Russes. Il rencontre Ansermet, Cingria, Stravinsky et Ramuz - qui composent l’Histoire du soldat, avec des décors de René Auberjonois. À la même époque, Alexej von Jawlensky et Marianne von Werefkin révolutionnent la représentation du paysage. Quant à Vladimir Nabokov, il a choisi la Suisse pour son calme et ses papillons. C’est au Montreux-Palace qu’il a écrit ses fameux romans Ada, Regarde, regarde, les arlequins ! Transparent things, Speak memory.
Illustration : Affiche de l'exposition
PUBLICATION
Catalogue de l’exposition, Textes de Peter Collmer, Mélanie Draveny, Galina Glushanok, Eric Hoesli, Olga Kirikova, Nicolaï Kopanev, Tatiana Moiseeva, Mario Redaelli, Alain Rochat, et Pia Todorovic. 96 pages, 48 illustrations, en français ou en russe, éditions Benteli, CHF 39. - + port
Pour voir d'autres illustrations, cliquez sur ENGLISH VERSION en haut de page.
|