Le musée de la Poste s’intéresse particulièrement à la place de l’écrit dans l’art. Gaston Chaissac lui apporte à cet égard une contribution exemplaire. En réunissant plus de 200 œuvres - tableaux, collages, lettres et dessins inédits - cette exposition met en valeur les lettres de Chaissac et de son réseau de correspondants en tant que missives, aussi bien que les lettres en tant que composantes de l’écriture dans ses peintures et dans ses collages. C’est en outre l’occasion d’évoquer une vingtaine de ses correspondants, célèbres ou anonymes, à travers une œuvre, une photographie et des missives.
Le triomphe du mot
L’intervention de l’écriture, réelle ou imaginée, dans les productions plastiques de Gaston Chaissac commence avec sa propre signature, qui très vite n’est plus signature mais devient un élément autonome dans la composition qui fait signe , et se poursuit avec les titres – lorsqu’il juge utile d’en donner un à l’œuvre – aux évocations bien souvent poétiques, ou qui fleurent bon le dictionnaire, l’association d’idées. Le mot triomphe également dans ses collages, où il mêle coupures de presse, messages publicitaires et marques de produits. Une manipulation graphique et verbale qu’on pourrait apparenter aux calligrammes d'Apollinaire.
Un incorrigible épistolier
Épistolier incorrigible, Gaston Chaissac rédigeait de 4 à 5 missives par jour et s’était constitué un réseau énorme de destinataires, avec lesquels il entretenait une correspondance plus ou moins suivie et plus ou moins longue dans le temps. Ses rencontres, le Bottin dans lequel il sélectionnait un nom les yeux fermés, étaient autant de moyens pour lui d’agrandir son cercle. Cependant, ce sont les revues et les journaux - revues de littérature prolétarienne, revues surréalistes, revues poétiques - dont il était un lecteur friand, qui vont lui fournir l’essentiel de ses interlocuteurs...
Deux cent corespondants
Chaissac utilisait toujours la même stratégie : J’écris des lettres, pas comme on fait d’habitude, une lettre tous les deux ou trois mois. Quand je commence à écrire à quelqu’un, je le fais tous les jours, parfois plusieurs fois dans la même journée, trois semaines à un mois ; je m’arrête un moment puis je recommence. Si j’agace mon correspondant, il jette mes lettres au panier; si je l’intéresse… La complexité du créateur et les moyens qu’il utilise pour communiquer sont évoqués avec une vingtaine des 200 correspondants répertoriés à ce jour : son épouse, sa fille, des peintres comme Albert Gleizes ou Jean Dubuffet, des écrivains, tels Jean Paulhan ou Michel Ragon, des photographes, des journalistes, des directeurs de revues, de galeries, mais aussi des habitants de son village vendéen de Sainte Florence. Chaissac fait de la lettre une tribune à partir de laquelle il construit sa propre personnalité.
Illustration : Gaston CHAISSAC Au jeune Emile Guériteau, bénéficiaire de divers enseignements monnayables dernier samedi de mars 1951 - Encre de chine sur papier à lettre, 27x21cm Collection particulière © Photo : Michel Fischer © Adagp Paris 2006
PUBLICATION
Catalogue de l'exposition Gaston Chaissac, homme de lettres, 26 x 23 cm, 96 p. ill. Collection Un timbre - Un artiste Co-éédition École nationale supérieure des beaux-arts / Musée de La Poste. 22 €
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