Fêter les vingt ans du Musée de la Photographie avec Ben, qui est surtout connu pour son œuvre picturale, est une petite frasque initiée par André Villers, le fondateur du musée qui porte aujourd’hui son nom. La photo n’est pas un phénomène nouveau dans l’œuvre de Ben. Des milliers de clichés et négatifs investissent ses archives. «Quand on photographie une voiture ou de la lingerie féminine, on arrive à les vendre. Alors, moi, je vais photographier mes tableaux pour pouvoir les vendre. dit-il, dans le cadre d’une provocation qui est l’une des marques du personnage.
Les limites de la photo
Les Limites de la photo : c’est par ce concept que Ben a décidé de répondre à l’invitation du Musée de la Photographie. Au début, il devait faire l’exposition tout seul. Il a réussi à entraîner dans l’aventure son ami André Villers. Réunir ces deux personnages est une forme d’art en soi. Tout semble les opposer. André est amoureux du silence et de l’harmonie, tout en cherchant la faille dans le regard de l’autre. Ben est totalement extraverti, revendique haut et fort ce qu’il n’est pas toujours de bon ton d’entendre, montre sa présence par ses mots, réflexions, provocations. Il tend à casser l’harmonie. André Villers aime se cloîtrer dans son laboratoire ; Ben fait descendre l’art dans la rue et aime descendre l’art. Il faut que je photographie des femmes nues …telle était l’une de ses obsessions. Des femmes, il en connaît, et nous lui en avons amené. Il n’a pas osé les dénuder. Première limite : la pudeur de l’autre. Ben y répond en se déshabillant lui-même. Limite atteinte... Et puis, en retournant puiser dans ses archives classées, déclassées, reclassées au grè de ses pulsions dictatorialement créatrices, il est retourné à la source de cette nudité, celle d’Annie à qui il doit beaucoup.
Il faut que je trouve une idée...
Il faut que je trouve une idée. Autre obsession.Toujours avoir l’impression de se renouveler, même si ce n’est qu’une impression. Exaltation lorsqu’il s ‘agit d’une réalité. Je vais faire des photos à la manière de Cindy Shermann ou de Mapplethorpe . Je ne suis pas André Villers clame t-il à travers sa légendaire écriture qui prend naturellement la pose aux côtés de son créateur. Le miroir reflète celui que Ben affirme ne pas être. Derrière il y a Picasso qui regarde. Trilogie dans l’instantané. Qui sont-ils ? Qui prend la photo ? L’appareil photographique serions-nous tenté de répondre si tout à coup, nous avions investi l’esprit du créateur. Peu importe, seul le résultat compte. J’aurais aimé avoir fait cette photo. Ben n’a peut être pas fait cette photo. Il en a fait d’autres. Newton savait comment exprimer par l’image le pouvoir de domination de la femme sur l’homme. En faisant poser la photo elle-même, c’est à l’histoire de la photo qu’il rend hommage, affirmant de manière à la fois touchante et humble son respect pour les grands maîtres. Oui, Ben est capable d’humilité, vertu bien cachée au sein d’une grandiloquence qui la fait grandir tout en préservant son âme d’enfant.
Illustration: BEN et André Villiers Je ne suis pas André Villiers
Dans la chambre
Que se passe-t-il dans une chambre noire, celle dans laquelle on dort ? L’émergence de visions sorties des sentiers du rêve. De la chambre noire photographique, cette fois, émergent des mots. Photo est un mot.Nous y voilà, clin d’œil à Magritte peut-être… Toujours est-il que c’est bien au moyen des mots que Monsieur Benjamin Vautier à construit tout son œuvre. Son écriture blanche délayée sur un fond noir appartient désormais à l’inconscient visuel collectif. Les gens qui ne connaissent pas Ben,connaissent son écriture, l’ont certainement croisée au moins une fois dans leur vie. Les photographies de Ben, quant à elles, comme enfermées dans une chambre noire, sont plus confidentielles. Que se passe-t-il dans une chambre noire ? Des images apparaissent. D’autres sont latentes, enfermées dans une pellicule. Les pellicules qui ne seront jamais développées gardent leurs secrets. Tout en ne montrant rien, elles deviennent objet d’exposition, parce qu’un artiste s’en est emparé et l’a décidé ainsi. Ben remercie souvent Duchamp de lui avoir donné la clé et d’avoir ouvert une porte par laquelle l’art contemporain est passé. Le Musée de la Photographie André Villers a regardé par le trou de la serrure et remercie Ben d’avoir eu les bons déclics.
PUBLICATION
À l'occasion de l'exposition : BEN Les limites de la Photo
ANDRÉ VILLERS: André, Pablo et les autres
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