Y a-t-il un déterminisme dans le destin des artistes d’une même famille? Conçue à partir d’une étude systématique qui a permis de recenser 1500 artistes frères et / ou sœurs, appartenant à des périodes et des courants artistiques variés, l’exposition réunit une centaine d'œuvres – essentiellement tableaux et dessins sans que soient négligés la sculpture, le design et la vidéo. C’est une recherche passionnante sur un domaine à la limite de l’art et de la science, en constante évolution. Structurées en 6 thèmes : Des frères et sœurs, Les mythes et les légendes, Le romantisme, Les dynasties, Le pionnier du temps moderne et La symbiose, les œuvres exposées couvrent des périodes et des domaines artistiques très larges.
Grands noms et anonymes
Si de grands noms tels que Jan et Pieter Brueghel, Marcel et Suzanne Duchamp, Alberto et Diego Giacometti et les frères Bosschaert, les sœurs Martin… côtoient des artistes plus anonymes, c’est que l’objectif de l’exposition est avant tout de mieux comprendre les relations entretenues au sein d’une fratrie : quels sont les rapports entre des artistes ayant grandi ensemble et liés, de facto et non sur la base d’une volonté personnelle, par le sang mais aussi par des histoires, des traditions, des acquis similaires? Une collaboration peut-elle naître d’une fratrie, ou cède-t-elle à la rivalité? Comment l’un peut-il évoluer dans l’ombre du génie de l’autre? Comment la notoriété d’un nom de famille peut-elle ouvrir les portes de la gloire…L’exposition s’ouvre sur le VIIIe siècle, passe par les grandes écoles de peinture des temps modernes, pour arriver à l’époque contemporaine : environ un tiers des œuvres concerne l’art contemporain, un autre tiers les XIXe et XXe siècles – romantisme, modernes et post-modernes - et un tiers l’art ancien depuis le début du moyen âge jusqu’au baroque en passant par la Renaissance.
À chaque époque sa vérité
Le plus ancien exemple d’artistes issus d’une même fratrie présenté dans l’exposition est celui de deux sœurs belges, les saintes Harlinde et Relinde, mères fondatrices de l’art du textile, qui ont crée des textiles et enluminé des manuscrits dans un couvent de Maaseik au VIIIe siècle. Chacune des grandes époques reflète une évolution: au moyen âge, à une époque où les enfants sont nombreux, et jusqu’au début des temps modernes, le principe de la primogéniture entrave le développement de talents individuels. L’aîné a la prérogative, que ce soit dans l’atelier du père ou en matière d’héritage. Les exemples de partenariat sont plus nombreux à l’époque baroque, mais il faut attendre les romantiques pour que la paternité multiple d’une œuvre constitue un véritable idéal. Au cours du XIXe siècle, la famille est de moins en moins ce lieu privilégié où se transmettent styles particuliers et connaissances spécifiques. Au basculement du siècle, les Pissarro sont peut-être la dernière grande dynastie d’artistes.
L’émergence de l’artiste moderne
Le début du XXe siècle scelle l’émergence de l’artiste moderne, qui rompt avec la transmission des traditions, et tient à mettre en évidence sa singularité. Ce n’est donc pas un hasard si les frères et sœurs artistes adoptent aussi volontiers des pseudonymes - Balthus, Jacques Villon, Naum Gabo, Rekerb, De Chirico – pour n’en citer que quelques-uns. Avec l’arrivée des nouvelles utopies sociales, les artistes sont de plus en plus tentés par le travail en commun. Si, avec leur idéal de confrérie spirituelle, les romantiques encouragent déjà une coopération étroite entre individus du même sang, nous assistons aujourd’hui à une renaissance séculaire de cette enfance que les modernes avaient oubliée ou refoulée. L’art contemporain et les romantiques occupent dès lors une place particulière et déterminante dans Family Affairs. Rien n’exprime mieux le mystérieux échange d’idées entre ces deux pôles que cette série de 80 lithographies originales de Goya – les atrocités des guerres de libération – irrévérencieusement actualisées par les frères Chapman, dans le même esprit que l’artiste espagnol.
ILLUSTRATION : Paul Flandrin Portraits d’Hippolyte et de Paul Flandrin, 1842, Musée des Beaux-Arts de Nantes.
PUBLICATION
Catalogue de l’exposition, bilingue français néerlandais, 23 x 26,5 cm, 184 p., 116 ill. coul. Édité par le Palais des Beaux-Arts et le Fonds Mercator, broché avec rabats 30 euros ISBN: 90 6153 644 8
En marge de l’exposition Family Affairs et de l’Eté de la photographie au Palais des Beaux-Arts, les suissesses Patricia et Marie-France Martin exposent 9 des 13 photos de leur performance de 2001, exécutée à Anvers dans une sculpture en verre de Dan Graham. Les sœurs se sont approprié, en les retravaillant, quelques fragments de la nouvelle de Virginia Woolf intitulée An Unwritten Novel. On peut voir An Unmade Sculpture en vitrine, rues Ravenstein et Baron Horta, jusqu’au 30 septembre
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