Cette exposition originale, dont l'organisation a été confiée à l'artiste de renommée internationale Luc Tuymans et à Yu Hui, commissaire pour le Palace Museum à Pékin confronte, dans un circuit de 1200 m2 un ensemble de 143 oeuvres, dont 79 pièces flamandes et 64 chinoises, autant de visions, chacune issue d'un contexte spécifique, de l'art des Pays-Bas du Sud et de la Chine. Du côté flamand, l'exposition réunit des dessins et des peintures, et du côté chinois, des rouleaux horizontaux et verticaux, ainsi que des dessins et des esquisses isolées.
Deus visions du Monde
Le titre de l'exposition, L'Empire interdit, renvoie a celui du livre de l'auteur hollandais J.J. Slauerhoff. Médecin de bord pour différentes compagnies d'Inde orientale. J.J. Slauerhoff a effectué de nombreux voyages en Chine, à Hong Kong et au Japon, et par la suite en Amérique Latine et en Afrique du Nord. Dans ce livre écrit peu avant son décès en 1936, à l'âge de 38 ans, il constate que si le monde est devenu beaucoup plus petit sur le plan des distances, celles-ci se sont considérablement accrues dans le domaine psychologique. Le titre choisi pour l'exposition n'a pas de fonction exotique, mais exprime les types de significations qu'apporte la combinaison de deux visions du monde. Des œuvres de Van Eyck, Brueghel, Rubens, Ensor et Spilliaert etc. sont mises en rapport avec une sélection de chefs-d'œuvre chinois qui reflètent l'histoire de l'art de ce pays.
Un dialogue qui n'ôte rien aux traditions
Le concept de l'exposition est d'initier un dialogue entre les visions du monde flamand et chinois à travers des dessins et des peintures, des manuscrits enluminés et même la cartographie. Les peintures ne sont pas considérées en tant que genre. Placées dans un contexte élargi, elles distinguent plus clairement les singularités respectives dans la perception du monde de l'époque. Comment les artistes interprètent-ils le mouvement ? Comment traitent-ils la distance et le détail, l'échelle et la profondeur ? Quelle est la place de l'élément narratif, de la calligraphie, de l'iconographie ? Une dialectique passionnante s'installe entre ombres, nudité et péché originel.«À travers l'iconographie, nous tentons de nourrir un dialogue qui n'ôte rien aux deux traditions. Nous travaillons avec des "ponctuations" : en insérant, par exemple, une œuvre occidentale entre deux groupes d'illustrations chinoises. dir Luc Tuymans.
Bruxelles et Pékin
Les deux sites de l'exposition - le Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, puis le Palace Museum de Beijing - ont eux aussi joué un rôle important dans l'élaboration du concept. Depuis sa construction, le Palais des Beaux-Arts est un centre global, où les différentes disciplines artistiques se rencontrent et s'influencent mutuellement. Il n'a pas de collection propre, alors que le Palace Museum en possède une gigantesque. Le Palace se trouve dans la Cité interdite, qui est à la fois l'incarnation de la pérennité et de l'harmonie, le point central vers lequel tout converge, et le symbole d'une civilisation dont la puissance centralisée s'est maintenue sans interruption pendant plus de 5000 ans, en dépit des bouleversements politiques. L'Occident a subi, lui, d'innombrables changements de pouvoir, ce qui explique l'éclatement des processus d'observation et de visualisation, en perpétuelle adaptation aux rapports de force civils et religieux. Ce phénomène a ouvert la voie à une pensée visuelle qui se reforme perpétuellement, en réponse et en réaction aux circonstances. Dans l'art chinois classique, ces tensions ont été écartées au profit de la focalisation sur l'idée d'harmonie.
Après le Palais des Beaux-Arts, l'exposition ira au Palace Museum de la Ville interdite où elle sera ouverte dès le 27 juin 2007.
Illustration : Léon Spilliaert, Portrait de Andrew Carnegie, 1913, Museum voor Schone Kunsten, Oostende Ó SABAM - Belgium 2006.
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