L’Internationale Situationniste peut être considérée comme le dernier mouvement d’avant-garde du XXe siècle. Son programme révolutionnaire visait à s’attaquer aux symboles du pouvoir, à combattre l’aliénation de la vie quotidienne par la productivité et la consommation. Œuvrant aux confins de l’art et de la politique, le situationnisme a marqué les révoltes étudiantes des années 1960 mais son influence s’étend au-delà. On la retrouve par exemple dans la culture punk ou, aujourd’hui, dans l’altermondialisme. L’exposition retrace les quinze années du mouvement, depuis sa fondation en 1957 jusqu’à sa dissolution en 1972, en les organisant autour de la biographie de sa figure centrale, Guy Debord, dont le film mythique « In girum imus nocte et consumimur igni » (1978) sert de fil conducteur.
Le lettrisme et CoBrA
L’exposition est divisée en huit parties, dont les premières présentent des mouvements précurseurs. Le Lettrisme et l’Internationale Lettriste entendaient, au moyen d’actions spectaculaires, dissoudre le passé pour le reconstruire. Leur champ d’intervention préféré a porté sur le langage et le cinéma. CoBrA, fondé en 1948 par le Belge Christian Dotremont, le Hollandais Constant Nieuwenhuys et le Danois Asger Jorn, et ainsi nommé en référence aux initiales de leurs villes d’origine (Copenhague, Bruxelles, Amsterdam), voulait libérer l’art de son institutionnalisation - qui avait fossilisé des mouvements comme le surréalisme ou l’abstraction - et le restituer au peuple.
A bas le travail et la morale
Pour l’Internationale Situationniste comme pour CoBrA, il fallait redonner une consistance, un sens au quotidien en s’attaquant radicalement à certains des fondements de la société capitaliste : la morale, le travail, le divertissement. Pour Debord, la société du spectacle fait de l’homme un simple consommateur passif et détruit tous les germes de bonheur que pourrait receler son quotidien. L’action des situationnistes consiste donc à recréer de la réalité, en refusant toute forme de représentation « classique ». Dans les films de Debord, la monotonie est utilisée comme force subversive, obligeant les spectateurs à écrire eux-mêmes, avec leurs réactions choquées, la bande-son. Le « détournement » et la « dérive » - action menée sans but et sans plan préonçu - étaient deux pratiques communes du mouvement pour dynamiter l’esthétique traditionnelle.
Au cœur de mai 1968
L’urbanisme moderne, l’organisation aliénante de la ville en zones fonctionnelles (tours dortoirs, centres commerciaux) furent l’une des cibles de l’Internationale Situationniste, qui devint, avec le passage du temps et l’exclusion de plusieurs de ses membres fondateurs (Jorn, Constant), un mouvement de critique sociale radicale. Au moment des révoltes étudiantes de 1966-68, ses slogans furent diffusés à l’échelle nationale (et traduits en plusieurs langues) par l’intermédiaire d’affiches, de manifestes, de bandes dessinées. Mai 1968 fut l’âge d’or du situationnisme qui vit se réaliser son concept de révolution comme fête de l’imagination et de l’excès. Ce fut aussi son chant de cygne. Il se limita par la suite à un flot de textes nostalgiques. Risquant de devenir elle-même une parodie de subversion, récupérée par la culture officielle, l’Internationale Situationniste est dissoute en 1972
Illustration : Photo de groupe avec Michèle Bernstein, Asger Jorn, Colette Caillard et Guy Debord à l'époque de l'Internationale Lettriste, tirée du film de Guy Debord Sur le passage de quelques personnes à travers une assez courte unité de temps, Paris 1959
Dansk-Fransk Experimentalfilmskompagni (20 min.)
PUBLICATION
Catalogue de l'exposition bilingue, allemand anglais. Textes d’Axel Heil, Thomas Hirschhorn, Jacqueline de Jong, Michael Lentz, François Letaillieur, Annja Müller, Selima Niggl, Peter Sloterdijk, Juri Steiner, Mark Wigley, Nina Zimmer, Stefan Zweifel etc.Ill. Éditions JRP Ringier CHF 44
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