L'œuvre du peintre Claude Rutault, - né en 1941 - questionne les lois de la représentation. Elle investit l'ensemble des salles du Musée des beaux-arts de Brest. Guidé par la recherche de “la posture du peintre”, l'artiste engage un dialogue pertinent avec un choix de peintures du musée, nous conviant à une promenade et à des rapprochements souvent inattendus. La promenade est quelque peu bousculée, les repères troublés, pour laisser place à l' (im) pertinence d'un artiste qui, en détournant notre regard du circuit conventionnel, amène à s'interroger sur la peinture et son environnement.
Un artiste de l'écriture
Lorsque l'exposition est écrite avec précisions est-il encore nécessaire de la faire ? La peinture, ma peinture existe d'abord sous la forme d'un texte, la d/m (définition / méthode)… nous dit Claude Rutault. C'est en effet un artiste de l'écriture, mais il aurait été dommage de ne pas, comme au cinéma, joindre l'image au script pour que le public, à son tour, observe les lieux depuis l'oeil de l'artiste. Si son oeuvre envisage en priorité le processus de l'exposition, la mise en espace est l'occasion d'une expérimentation. Avant de pénétrer dans la mise en scène de Claude Rutault, de croiser son regard sur les peintures du musée, il est nécessaire d'appréhender son travail d'écriture à l'origine de sa réflexion artistique : la d/m (définition méthode).
La définition/méthode
C'est elle qui, depuis 1973, organise sa pensée artistique autour d'un protocole - publié sous le titre définitions/méthodes, Le livre 1973-2000, aux éditions Flammarion en 2000. Véritable programme donnant la marche à suivre, les définitions dictent le processus par lequel l'artiste conçoit son œuvre. Ce sont les d/m qui cernent, commandent le geste dans toutes les variantes complexes que l'artiste a imaginées et continue d'imaginer, sans pour autant restreindre l'acte créateur. Claude Rutault laisse en effet l'opportunité, les choix de mise en application à celui qui décide de réaliser son œuvre et que l'artiste nomme le preneur en charge. La d/m est ainsi en perpétuelle réévaluation : chaque exposition devient le prétexte d'une nouvelle réflexion sur ce qu'est la peinture, sur son sens dans l'espace.
L'éternel cycle de la peinture
Claude Rutault continue de revisiter l'Histoire de l'art à la lumière de ses propres préoccupations. En extirpant de l'espace pictural des oeuvres aussi célèbres que Le radeau de la méduse de Géricault, il ne prétend pas compléter l'histoire de l'art au musée des beaux-arts de Brest, mais à en affirmer l'éternelle continuité dans les réflexions fondamentales du peintre. La vie d'une peinture continue inéluctablement son chemin au gré des analyses contemporaines. Elle doit être réactualisée après la mort de l'artiste pour que subsistent ses interrogations. Pour lui Une oeuvre que ne regarderait aucun artiste est une oeuvre qui n'existe plus. morte.
La posture du peintre
En marge de l'analyse traditionnelle de l'Historien d'art, Claude Rutault envisage la peinture sous l'angle premier : la posture du peintre. Alors que Poussin nous montre le peintre de face, Rutault propose la peinture de dos (Mondrian) ; Vermeer le peintre de dos, Rutault la peinture de face. La disposition des toiles projette dans l'espace la réflexion picturale sur les différentes combinaisons de postures - peintre, modèle, peinture -, et de position - de face, de dos, de profil... Cette mise en volume conduit à une abstraction de la vision peinte, dont l'expérimentation par les déplacements des visiteurs est guidée par les correspondances de couleurs. Chaque oeuvre prend la couleur du mur devant laquelle on la regarde, suggérant le lien d'interdépendance de l'oeuvre et de son environnement.
Illustration ; Claude Rutault, Le naufrage de la peinture, collection FRAC Bretagne.
PUBLICATION
Catalogue de l'exposition La peinture fait des vagues Sous la direction de Claude Rutault. Edition Musées des beaux-arts de Brest, avril 2007. 18€
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