A.R. Penck a été l’un des acteurs majeurs de la renaissance de la peinture dans l’art contemporain allemand. Il a donné naissance à un univers visuel qui a connu une large diffusion, mêlant des signes en forme de pictogrammes et des figures abstraites, à l’intersection entre l’art de la Préhistoire et l’iconographie de la science moderne. Il a abordé des thèmes profondément actuels comme la guerre froide, la violence, les relations entre l‘art et la science. Dans la plus importante rétrospective organisée en Allemagne depuis vingt ans, on pourra voir quelque 130 tableaux de grand format, ainsi que des objets et sculptures. Ses livres d’artiste, qui constituent une partie moins connue de sa production, feront l’objet d’une présentation particulière : près de 70 d’entre eux seront exposés.
Les débuts à Dresde
A.R. Penck est né à Dresde, en République démocratique allemande, en 1939, sous un autre nom : Ralf Winkler. Il a choisi son pseudonyme, qui est toujours valable, au début des années 1960, en souvenir du géologue Albrecht Penck (1858-1945). Ce choix a été interprété comme une référence explicite à la Guerre froide (Albrech Penck était un expert des périodes glaciaires) ainsi qu'à la fascination qu’il éprouvait pour l’art pariétal de ces époques. Par ailleurs, A. R. Penck a toujours vu des analogies entre son art, qui s’intéresse de près à l’information, et la géologie, tous deux ayant à interpréter des couches successives de matériaux. Soucieux de trouver une troisième voie entre l’art traditionnel et le réalisme socialiste, Penck créa ses fameuses figures stylisées ou hommes en bâtons d’alumette, qu’il a développés dans ses « Weltbilder » (Peintures mondiales) à partir de 1961.
Une combinaison entre abstraction et figuration
Dès les commencements, Penck a été attiré par le concept d’information visuelle, qui se développait dans différents champs des sciences contemporaines et en particulier en cybernétique. Il s’est attaché à créer des signes et des symboles qui pourraient constituer un système autonome. Dans ses « Standart Bilder » (Peintures standard), il a voulu produire des peintures, combinaison d’abstraction et de figuration, qui soient immédiatement reconnaissables par le public. Cette approche se voulait une contribution originale au socialisme, dans la mesure où elle supposait un discours non-hiérarchique. Penck a suivi cette méthode également dans le domaine de la scupture, où il a créé des pièces en carton peint, d’une esthétique volontairement « pauvre », qui rappelle Beuys et Fluxus.
L’obsession de la Guerre froide
La répression des soulèvements de 1968 a ramené Penck, qui vivait encore en Europe de l’Est, à l’une de ses thématiques principales : la Guerre froide. Dans ses séries « Mike Hammer » et « TM », il a réalisé des tableaux qui étaient autrement plus agressifs et expressifs. Il a aussi eu recours à un large éventail de nouveaux supports comme la vidéo ou la sculpture en bois. Ses nombreux livres d’artiste, dont 70 vont être montrés dans l’exposition, a supposé un élargissement de son univers personnel, où le texte est devenu un élément aussi essentiel que la peinture elle-même. Interdit d’exposition en RDA à partir de 1962, Penck a au contraire connu le succès à l’extérieur, apparaissant à la Biennale de Venise et à la Documenta de Kassel.
Passage à l’Ouest
Penck a été expatrié et s'est évadé à l’Ouest en 1980, à Londres et Düsseldorf, où il a été professeur. Une fois à la retraite, en 2003, il s’est installé à Dublin. Ce changement radical de vie a affecté son travail, qui est devenu plus coloré tout en acquérant plus de volume. Il y a intégré les impressions de ses voyages, comme dans l'oeuvre « Ereignis in New York » (Evenement à New York). Cependant, cela n’a pas modifié fondamentalement l’angle de ses thématiques qui sont demeurées ancrées dans la question des rapports Est-Ouest (il a un jour dit que l’Est était un désert et l’Ouest une jungle) et des relations entre l’homme et la société.
Illustration : A.R. Penck Großes Weltbild, 1965. Huile sur panneau, 180 x 260 cm © A.R. Penck, courtesy Galerie Michael Werner, Köln & New York
CATALOGUE
« A.R. Penck Retrospektive », publié sous la direction d’Ingrid Pfeiffer et Max Hollein. Avec des textes d’Isabelle Graw, Harald Kunde, Ingrid Pfeiffer, Kevin Power, Pirkko Rathgeber, Jürgen Schweinebraden Freiherr zu Wichmann-Eichhorn. Editions en allemand et en anglais, environ 306 p., 336 ill. en couleur, Richter Verlag GmbH Düsseldorf, ISBN 978-3-937572-68-0, 34 €.
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