CORRESPONDANCES
Vincent Van Gogh, Dans le jardin du docteur Paul Gachet, 1890 / John Chamberlain, Lipstick Canteen, 2000
Georges Seurat, Hommage à Puvis de Chavannes, 1881 / Claude Rutault, Hommage à Georges Seurat, 2007

Vincent Van Gogh, Dans le jardin du docteur Paul Gachet, 1890 / John Chamberlain, Lipstick Canteen, 2000

Artiste américain né en 1929, John Chamberlain débute ses études à l'école de l'Art Institute de Chicago, où il est ébloui par une exposition de la collection Chester Dale, riche de quelques uns des plus beaux tableaux de Van Gogh. En 1955, il quitte Chicago pour rejoindre le Black Moutain College, un des laboratoires les plus importants de l'art américain de l'après-guerre. En ces années de formation, Chamberlain est profondément marqué par l'expressionnisme abstrait qui fait triompher la peinture américaine de l'époque, des figures comme Jackson Pollock, Willem de Kooning et Franz Kline, mais aussi par l'oeuvre du sculpteur David Smith, qui travaille en utilisant des matériaux du quotidien. Dès lors, John Chamberlain crée des sculptures abstraites, à partir d'éléments récupérés, principalement des pièces de carrosserie et de ferraille qu'il assemble, compresse, soude, peint... Ce principe créatif laisse la part belle à l'aléatoire et l'improvisation, l'artiste jugeant de l'effet et de la composition au fur et à mesure de l'assemblage, proposant ainsi une oeuvre singulière et expressive. Renouant avec son intérêt premier pour Van Gogh, à l'invitation du musée d'Orsay, Chamberlain a choisi le Jardin du docteur Gachet, à la végétation exubérante, à laquelle il confronte Lipstick Canteen, qui déploie ses feuilles de métal coloré dans l'espace.
« Donc, lorsque je pense au musée d'Orsay... On pourrait dire que j'ai fait un tour complet et reviens en quelque sorte à mon point de départ. C'est un peu Van Gogh qui m'a lancé, et voilà que, cinquante ans plus tard, c'est moi qui lui rends visite avec ma sculpture Lipstick Canteen » (entretien avec Ann Hindry, avril 2007).

Georges Seurat, Hommage à Puvis de Chavannes, 1881 / Claude Rutault, Hommage à Georges Seurat, 2007

Artiste français né en 1941, Claude Rutault n'a de cesse, depuis sa première définition/méthode mise au point en 1973, de « chercher à rendre visible la peinture ». Le principe de ces définitions/méthodes, qui éliminent systématiquement le recours au spectaculaire, est le suivant : « une toile tendue sur un châssis peinte de la même couleur que le mur sur lequel elle est accrochée. sont utilisables tous les formats standard disponibles dans le commerce qu'ils soient rectangulaires, carrés, ronds ou ovales. l'accrochage est traditionnel ».
Le principe peut s’apparenter à un mode d’emploi, sorte de guide d’utilisation de l’œuvre – et de sa mise en œuvre – à l’usage du collectionneur, du commissaire d’exposition, du conservateur ou du galeriste. Ainsi, les définitions/méthodes présentent les conditions de réalisation de l’œuvre et surtout les modalités d’évolution de celle-ci. L’artiste encadre volontairement un changement intrinsèque des œuvres qu’il conçoit dans l’optique d’appropriation/modification imprévisible et aléatoire au moment même du point de départ du processus créatif. Face et avec Seurat, en un même écho avec Puvis de Chavannes, Rutault propose ici de réactualiser ce principe de définition/méthode, en posant à nouveau la question de l'hommage aux maîtres de l'histoire de l'art.
« mon admiration pour la trajectoire de Seurat est vite devenue prioritaire [...] et d'autant plus nécessaire qu'elle met en jeu deux oeuvres bien différentes du musée. il ne s'agit, dans cette présentation, que d'un travail de peintre, non d'historien. je ne fais que présenter aujourd'hui les deux tableaux et leur articulation par ma peinture même, dans ma préoccupation première de dépassement du tableau, de l'objet fini » (entretien avec Françoise Ducros, avril 2007)

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