Après Georges Rousse en 2006, le musée Réattu, dont les collections et la programmation se fondent sur le croisement des disciplines et le dialogue avec les lieux, a invité l’artiste allemand Dieter Appelt à travailler en résonance avec l’esprit du bâtiment et de son paysage. Son œuvre figure parmi les plus énigmatiques de la deuxième moitié du XXe siècle. Chanteur d’opéra, dessinateur, photographe, cinéaste et sculpteur, Dieter Appelt, né en 1935 dans le Brandebourg, propose depuis plus de 40 ans des images sidérantes, situées dans un entre-deux de l’espace et du temps, nées d’une profonde réflexion sur l’être au monde.
Des photographies comme des sculptures
Après les grandes rétrospectives des années 90 à l’Art Institute de Chicago, au musée Guggenheim de New York et à Berlin, ainsi qu’une exposition en 2006 à la Maison Rouge à Paris, Dieter Appelt revient à Arles, 25 ans après l’invitation de Michel Tournier pour les Rencontres de la photographie de 1981. Le terme Ramifications, choisi par l’artiste comme titre pour l’exposition d’Arles, synthétise l’ensemble de ses recherches et désigne aussi bien le dialogue incessant des œuvres entre elles que le processus de création et de fabrication de l’image. Pour Dieter Appelt, ses photographies sont comme des sculptures, construites par la superposition de plusieurs couches de lumière. Travaillant par séries ou séquences, faisant converger musique, cinéma et photographie, son œuvre concentre le temps en poussées et fait tourner, circuler, disparaître et rejaillir l’instant comme un temps qui serait chaque fois, dans des espaces décalés, à donner et à prendre différemment : un travail de disparition, stratification, condensation de la mémoire et des éléments, où persiste toujours de manière palpable la présence de la matière et de la vie.
Des œuvres inédites face aux « classiques »
Dieter Appelt fait ainsi de chaque œuvre une réelle expérience sensitive, nous renvoyant en nous-mêmes comme en un lieu fondamental, propice à la méditation. L’exposition Ramifications réunit des œuvres inédites - tableaux photographiques, films et sculptures- présentées en regard d’œuvres emblématiques plus anciennes, comme les séries Monte Isola (1976) ou La tache que laisse le souffle sur le miroir (1977/2005). Sensible à la singulière présence du Rhône dans la vie du musée, Dieter Appelt propose, dans un tête-à-tête méditatif avec le fleuve, une nouvelle version du tableau photographique Le champ (1991), images arrêtées d’un flux aquatique toujours mouvant. Il y montre également pour la première fois la toute nouvelle sculpture Lentille dorée, autour de laquelle se construit son prochain film, en écho à La mer de glace peinte en 1823 par l’artiste romantique allemand Caspar David Friedrich (Goldene Linse, 2007, 90x90x30cm)
Illustration Dieter Appelt Goldene Linse (Lentille dorée), 2007
Un ouvrage de référence
En France, à part le livre de Michel Tournier (Morts et résurrections de Dieter Appelt, 1981) et le Photo Poche comportant un texte de Michel Frizot récemment réédité, il n’existe aucune importante monographie de son œuvre. L’exposition Dieter Appelt – Ramifications au musée Réattu permet la publication chez Actes Sud d’un ouvrage conséquent, assorti d’une iconographie allant au-delà de l’exposition, et accompagné d’un texte de Hubertus von Amelunxen, écrivain, théoricien et recteur de l’Ecole Européenne Supérieure de l’Image (Angoulême/Poitiers).
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