A l’instar du travail du photographe Willy Ronis, réalisé dans les manufactures cotonnières et les ateliers d’impression d'Alsace, le Musée départemental du Textile souhaitait capter et coucher sur le papier les gestes, les visages des témoins et des lieux de l’histoire du textile dans le Tarn. Le photographe Dominique Delpoux a été sollicité afin de dresser le portrait de cette industrie textile en déshérence et de ses hommes. Il a reçu carte blanche pour parcourir les entreprises textiles du département afin d’observer, de photographier ses ateliers, ses extérieurs ainsi que ses hommes et ses femmes, maillons essentiels de la chaîne de fabrication.
Trois générations d’ouvriers
Riches en couleurs et en luminosité, ces 60 photographies constituent un témoignage particulièrement saisissant. Elles mettent en exergue trois générations d’ouvriers et de lieux du textile autour de trois points communs : la passion, la fierté du métier et le savoir-faire. Le regard de Dominique Delpoux est un regard social, dénué de tout jugement d’opinion car ouvriers, contremaîtres et chefs d’entreprise sont traités sur le même plan : celui du travail, dans un rapport mécanique de l’homme à sa machine. Puis, de la même manière que lors de son travail photographique sur les mineurs, Dominique Delpoux s’est rendu dans l’intime - le chez-soi de ces ouvriers, contremaîtres, secrétaires, chefs d’entreprise - pour les photographier dans leur temps « extraprofessionnel ».
Des photographies parlantes
Bien plus qu’une photo de reportage, il s’agit véritablement de portraits des éléments qui ont fait et qui continuent, malgré les difficultés, de faire la renommée d’une industrie. Nul besoin de sous-titres, les photographies parlent d’elles-mêmes à travers les gestes, les attitudes que leurs protagonistes ont choisi d’adopter ou bien encore le décor des intérieurs qui traduisent une passion, des centres d’intérêts, mais aussi quelquefois les racines et les origines culturelles. Il s’agit véritablement d’une mise en scène par les propres acteurs et c’est peut être ce qui est différent dans cette exposition. On est loin des clichés habituels où le photographe est le maître de cérémonie et décide des lieux, des postures…
Le goût des séries
Dominique Delpoux est né à Albi dans le Tarn, où il vit toujours prés d’Ambialet. Jeune diplômé de l’école de Photographie, il reçoit en 1994 le prix Kodak de la critique photographique. Depuis 1993, il est photographe indépendant et réalise des commandes pour la presse, l’édition ou les institutions. Représenté par l’agence Vu à Paris, il s’intéresse aux gens, à la représentation et au sens qu’ils donnent d’eux même à travers la photographie. C’est ce qui le pousse dès le début de sa carrière à réaliser des séries, notamment sur les ouvriers, de Carmaux et d’ailleurs, puis à questionner la notion du double, de la gémellité, notamment dans son travail sur les couples gémellaires qui finissent par « tellement se ressembler que l’on finit par confondre l’un et l’autre ». Pour lui, la photographie est un prétexte pour aller à la recherche de l’autre, et ce projet a été le « prétexte » d’étudier cette société du travail et d’en figer les moments les plus marquants, présentés aujourd'hui dans un lieu fort du textile : l’ancienne manufacture Bourguet.
Illustration : Dominique Delpoux Jean-Christophe Laurent Ets ALBOUY – Castres, Automne 2006 © Dominique Delpoux
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