Le Grand Ouest, sa découverte et sa conquête, sa résistance farouche et ses paysages de rêve : cette histoire grandiose et brutale, transformée en légende bien avant que le territoire ne soit entièrement exploré, est l’un des fondements de la civilisation américaine Les artistes y ont consacré depuis le début du XIXe siècle des œuvres extraordinaires presque parfaitement inconnues en Europe. Même aux Etats-Unis, cette production est placée en marge de l’histoire de l’art et on la voit peu dans les grands musées classiques. Pourtant, de paysages stupéfiants en portraits d’Indiens aux accents romantiques, d’épopées guerrières en scènes de genre irrésistibles où le cow-boy chemine en plein malaise existentiel, le XIXe siècle a fourni de merveilleux chefs-d’œuvre.
Paysages avec cow-boys et Indiens
A la poésie d’un territoire paradisiaque (les grands sites de Yosemite ou de Yellowstone, avec leurs cascades, geysers et arbres géants particulièrement bien restitués par Bierstadt et Moran), peuplé de bisons promis à la disparition (les panoramas mélancoliques de William Jacob Hays) répondent les épisodes des guerres indiennes. Ils sont traités avec un sentiment de grandeur et une fascination égale pour les deux civilisation affrontées par Stanley, qui évoque, sur fond de ciels rougeoyants, la disparition tragique de la civilisation indienne, ou par Miller, qui fut le premier artiste à se joindre à une exploration à travers les Rocheuses. La violence, jamais absente, peut être dénoncée ou sublimée. Frederic Remington marque l’apogée d’une imagerie héroïque et pittoresque, pleine de saveur réaliste. Cet artiste virtuose fixe la moindre nuance des gestes désormais « mythiques » des cow-boys, militaires, colons et Indiens ainsi que de leurs montures. Après lui, une génération de brillants illustrateurs (William R. Leigh, N. C. Wyeth) montre que l’Ouest reste une source puissante d’inspiration pour l’Amérique moderne, comme l’illustre l’artiste qui conclut l’exposition et qui appartient entièrement au XXe siècle : Maynard Dixon, entre archaïsme et modernisme, synthétise toutes les approches de l’Ouest pour en extraire la magie.
FRAME, un partenariat efficace
L’exposition propose un choix fondé sur des critères plus esthétiquesqu’historiques, et un regard européen sur un siècle d’imagination débridée, nourrie d’abord de la fascination des paysages fabuleux qui s’étendent à l’ouest du Mississipi. Elle est composée essentiellement à partir des collections des musées américains de FRAME (ou French Regional & American Museum Exchange, partenariat exemplaire entre des musées régionax français et américains, lancé en 1999), parmi lesquels le Denver Art Museum qui possède un important département de « Western Art », mais aussi de grandes institutions spécialisées qui conservent des œuvres emblématiques. Elle s’efforcera de montrer l’enchevêtrement de l’histoire et de de l’imagination, et la contribution essentielle des artistes à l’élaboration d’une véritable mythologie fondatrice de l’Amérique, basée sur l’idéal de liberté et d’aventure.
La France et la conquête de l’Ouest
La France a toujours été passionnée par la conquête de l’Ouest et les rendez-vous artistiques n’ont pas manqué. On peut citer en exemple la présentation au roi Louis-Philippe de la Galerie indienne de George Catlin (on en trouvera l’écho chez de nombreux artistes, dont Delacroix) ou la relation d’amitié entre Rosa Bonheur et Buffalo Bill – dont le Wild West Show connut d’ailleurs un succès phénoménal en Europe. Il est temps de redécouvrir, non seulement une aventure humaine dont le cinéma seul est loin de rendre la richesse et la complexité, mais une grande page d’histoire de l’art.
Illustration : Thomas Moran, La Cascade de Bridal Veil, vallée deYosemite, 1904 © Virginia Museum of Fine Arts.
PUBLICATION :
La Mythologie de l’Ouest dans l’art américain, 1830-1940, catalogue sous la direction de Laurent Salomé, coédition Silvana Editoriale (Milan), Musées de la Ville de Rouen, Musée des Beaux-Arts de Rennes, Musées de Marseille, 240 pages couleurs, 28 €.
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