Le parcours artistique de Vantongerloo s’inscrit dans l’expérience des avant-gardes historiques marquées par l’invention de l’abstraction et qui ont vu l’éclosion d’œuvres majeures comme celles de Mondrian, de Malévitch, de Kandinsky. Véritable pionnier dans la sculpture abstraite, il accompagne le développement de l’abstraction géométrique durant l’entre-deux-guerres et cherche à élaborer un discours scientifique autour de l’acte de création. Il propose après 1945 des prolongements très singuliers et abandonne alors toute référence à une géométrie construite et s’ouvre vers une approche subjective de l’univers de la cosmologie et de la physique.
Les débuts avec De Stijl
Né en 1886 à Anvers, Vantongerloo a passé par la suite toute sa vie en France, de 1920 à 1965, date de sa mort. Esprit expérimental et indépendant, Vantongerloo est le seul sculpteur du groupe hollandais De Stijl auquel il adhère en 1917, après avoir réalisé des œuvres figuratives et post-impressionnistes. Il signe le premier manifeste du mouvement néoplasticiste réuni autour de Mondrian et de Van Doesburg et s’oriente vers l’abstraction : ses sculptures sont faites de sphères et surtout de parallélépipèdes orthogonalement disposés. Il publie ses idées dans une brochure L’art et son avenir en 1924. Après son installation à Paris en 1928 il s’investit en compagnie de Herbin notamment, dans Cercle et Carré et Abstraction-Création importants mouvements de défense de l’art abstrait géométrique. Il applique dans son art des principes empruntés aux mathématiques qu’il expérimente dans le volume, ou le plan, et dans des projets architecturaux audacieux, ponts, aéroports...
Matériaux transparents et radiations lumineuses
Après 1938, il s’écarte d’une géométrie construite et rectiligne et introduit la courbe dans ses peintures et sculptures. Vers le milieu des années 40, il se met à fabriquer des objets délicats et raffinés en fil métalliques, qui évoquent un univers cosmique, tout comme sa peinture où spirales et volutes, fines touches de couleur vive s’inscrivent sur des fonds clairs. Après 1958, il utilise des matériaux transparents et conçoit ses œuvres comme le moyen de mettre en évidence des phénomènes naturels : radiations lumineuses, attraction et répulsion des atomes, systèmes planétaires, pièges de lumière… Son art a évolué d’un formalisme rigoureux à une vision intuitive teintée d’une authentique poésie. Il mène une vie retirée sans perdre pour autant le contact avec le milieu artistique. Entre 1950 et 1960, il reçoit dans son atelier, entouré par ses œuvres, de nombreux jeunes artistes attirés par ce personnage à la fois acteur et témoin de certaines pages capitales de l’histoire de la modernité.
Une figure tutélaire
Cette exposition n’est pas un simple hommage rétrospectif. Elle insiste sur les singularités de l’œuvre et du personnage sur son influence dans les années 20 et 30 et dans les années 50 et 60, y compris sur des artistes comme Max Bill ou François Morellet. Elle rassemble un ensemble représentatif de toute la carrière de l’artiste à travers une centaine de pièces, peintures et sculptures au format parfois modeste, accompagnées d’une centaine d’œuvres graphiques qui témoignent de la condition de travail de l’artiste au jour le jour. A la croisée des expériences plastiques et des débats d’idées, Georges Vantongerloo devient une figure tutélaire auprès de la génération des jeunes artistes qui se pressent dans son atelier de 1950 à 1960. Ainsi, l’exposition fait dialoguer aux côtés de l’artiste–pionnier près de 30 œuvres de ses contemporains parmi lesquels : Albers, Max Bill, Archipenko, Jean Arp, César Domela, Joaquin Torres-Garcia, Carmelo Arden-Quin, Théo Van Doesburg, Jean Hélion, Otto Freundlich, Frantisek Kupka, Nicolas Schöffer. L’exposition s’inscrit aussi en regard de la riche collection conservée au musée d’œuvres de Auguste Herbin, acteur important de la vie artistique du cubisme aux années soixante et qui fut un proche compagnon de Georges Vantongerloo au tournant des années 30.
Illustration: Ernst Scheidegger Photo de l’œuvre de Georges Vantongerloo,
Nucleus,1946. Collection Jakob Bill © Neue Zürcher Zeintung, 2007
PUBLICATION
Le catalogue d’exposition est la première publication sur l’artiste en France et comporte de nombreux documents inédits. Textes de Georges Baines, architecte, Jakob Bill, Domitille Dorgeval, historienne de l’art, Jean-Etienne Grislain, Serge Lemoine, directeur du musée d’Orsay, Guitémie Maldonado, maître de conférence à l’Université Paris I, Arnaud Pierre, historien d’art, Dominique Szymusiak 200 p, 42 €, édité par Gallimard
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