C’est la première exposition consacrée au peintre suisse en France, depuis la monographie du Petit Palais en 1983. Deux ans après l’acquisition par le musée d’Orsay d’un important tableau de l’artiste, Le Bûcheron (1910), cette manifestation s’inscrit dans la programmation inaugurée par le musée en 1995 visant à faire découvrir les grands artistes des écoles étrangères. L’exposition rassemble 80 tableaux majeurs jalonnant la carrière de l’artiste, à partir du milieu des années 1870 jusqu’aux paysages ultimes de 1918 : tous les genres abordés par le peintre, grandes compositions de figures symbolistes, tableaux d’histoire, paysages et portraits sont représentés. Deux cabinets d’arts graphiques permettent de comprendre les processus de création de Hodler, dessinateur inlassable. Une quarantaine de photographies, prises par des proches et en particulier par Gertrud Dubi-Müller, amie, collectionneuse et modèle de Hodler, nous font entrer dans l’atelier du peintre. Afin de nouer un dialogue avec l’art du présent, le musée d’Orsay a invité Helmut Federle. L’artiste, qui a toujours reconnu Hodler comme une de ses sources majeures, a placé quatre dessins de montagnes et un tableau monumental, 4.4 the distance, 2002 (collection particulière) dans le parcours de l’exposition.
Une Nuit inconvenante
Depuis une vingtaine d’années, les études et les expositions dédiées à Hodler ont mis en lumière des aspects nouveaux de son œuvre. L’exposition du musée d’Orsay a pour ambition de redéfinir les sources et la géographie de l’art moderne et de contribuer à rendre à Ferdinand Hodler la place centrale qui fut la sienne au sein des avant-gardes européennes du tournant du XXe siècle. Lié au symbolisme, Hodler, qui fut considéré de son vivant comme l’un des chefs de file de la modernité, a ouvert des voies décisives vers l’abstraction mais aussi l’expressionnisme. Né à Berne en 1853, il vit à Genève jusqu’à sa mort en 1918, mais il accomplit, après des débuts difficiles, une carrière européenne, jalonnée de scandales et de succès. Membre des grandes Sécessions, il voit son œuvre saluée à Vienne, Berlin et Munich à partir des années 1900. Mais c’est Paris qui lui offre sa première consécration en 1891 lorsqu’il y présente son tableau manifeste, La Nuit (1889-1890, Berne, Kunstmuseum), interdit d’exposition pour inconvenance par la ville de Genève. Salué par Puvis de Chavannes, Rodin et la critique française, ce tableau lance la carrière internationale de Hodler et en fait un des représentants majeurs du symbolisme : cette œuvre clé, qui ne quitte jamais le musée de Berne, est prêtée à titre exceptionnel au musée d’Orsay.
Illustration : Der Holzfäller/ Le Bûcheron (1910). Huile sur toile, 130 x 101 cm. Paris, musée d'Orsay © Patrice Schmidt, Paris, musée d'Orsay
Le « peintre national suisse »
Au tournant du siècle, Zurich, Genève, Iéna ou Francfort lui passent d’importantes commandes publiques qui sont autant d’occasions pour l’artiste d’expérimenter son goût pour une peinture simplifiée, mounmentale et décorative. Il met en scène des épisodes fondateurs de l’histoire de la Confédration suisse (La Bataille de Morat, 1917, Glaris, Kunsthaus) et des figures emblématiques comme les faucheurs et les bûcherons. Hodler s’impose ainsi dès la fin des années 1890 comme le peintre national suisse par excellence. Dans sa peinture de paysage, il s’attache à magnifier la nature, et en particuler les montagnes, renouvelant profondément le genre. La fidélité à la topographie des lieux s’accompagne d’une stylisation rigoureuse, imposant Hodler comme un paysagiste hors pair, à l’égal de Cézanne (La Pointe d’Andey, vue de Bonneville (Haute Savoie), 1909, musée d’Orsay). Convaincu que la beauté repose sur l’ordre, la symétrie et le rythme, Hodler fonde ses compositions sur ce qu’il appelle le « parallélisme » (« répétition de formes semblables ») (Paysage rythmique au Lac Léman, 1908, collection particulière).
Des portraits bouleversants
Hodler est également un portraitiste profondément novateur : en témoignent des effigies de collectionneurs (Portrait de Gertrud Müller, 1911, Soleure Kunstmuseum), de poètes et de critiques qui l’ont soutenu, mais aussi des auportraits sans concession (Autoportrait aux roses, 1914, Schaffhouse, Museum zu Allerheiligen), qui préfigurent le « cycle de Valentine », sans équivalent dans l’histoire de l’art. De sa compagne à l’agonie, Hodler tire entre 1914 et 1915 une série de portraits qui sont autant de témoignages bouleversants de l’avancée de la maladie et de la mort (Valentine sur son lit de mort, 1915, Bâle, Kunstmuseum). Après ce cycle, Hodler poursuit sa méditation sur la mort à travers une série de vues presque abstraites du lac de Genève où culmine la quête de simplicité et d’unité que le peintre n’a cessé de radicaliser : « Plus je m’approche de la grande Unité, plus je veux que mon art devienne simple et grand. »
Illustration :: Die Dents-du-Midi von Caux aus / Les Dents-du-Midi depuis Caux (1917) Huile sur toile 60 x 80 cm Collection particulière © Institut suisse pour l'étude de l'art, Zurich
PUBLICATIONS
Le catalogue Hodler, 22,5 x 27 cm, broché, 240 p., 220 illustrations, coédition Musée d’Orsay/RMN, 40 €, ainsi que le Petit Journal de l’exposition, 20 x 29 cm, 30 illustrations, 16 p., français/anglais, 3,50 €
Cette exposition est organisée par la Réunion des musées nationaux et bénéficie du soutien de Pro Helvetia, Fondation suisse pour la culture
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