Depuis le début des années 1990, le photographe allemand Jürgen Nefzger porte un regard acéré sur les mutations du paysage. Lauréat du prix du public du Jeu de Paume en 2006, Jürgen Nefzger a été invité à explorer le territoire de Dunkerque. Cette invitation est organisée à l’occasion de la biennale de culture contemporaine, Dunkerque l’Européenne 3, où l’Allemagne est mise à l’honneur.
Attirance pour les périphéries
Le musée des Beaux-Arts et le LAAC présentent deux ensembles d’œuvres complémentaires réalisées par l’artiste lors de sa résidence à Dunkerque : un parcours photographique de plus de trente tirages de grands et moyens formats et une installation sonore et photographique, fruit d’une rencontre détonnante avec des jeunes pratiquant le Air Soft. « A Dunkerque, écrit le critique Christophe Catsaros, Jürgen Nefzger explore la périphérie de la ville : un lieu déterminant pour saisir l’actualité de notre culture urbaine. En effet, c’est ici que la ville se fait au présent. C’est ici aussi qu’elle est en conflit avec l’environnement rural. » C’est dans ces zones intermédiaires, qui sont autant de frontières, que le photographe réussit à mettre à nu les articulations, les tensions, les mutations du grand corps urbain. Les inspirations de l’auteur ont des racines variées. On peut aussi bien y déceler « le langage pictural romantique » que celui d’une certaine « poétique de la zone, comparable à celle que l’on peut trouver dans les films de Tarkovski ou d’Antonioni. » (Christophe Catsaros)
Illustration : Jürgen Nefzger, Extrémié du môle 1 au port est de Dunkerque, Dunkerque 2007 © Jürgen Nefzger, Courtesy Galerie Françoise Paviot
Paysages humanisés
Né en 1968 à Fürth, en Allemagne, Jürgen Nefzger vit et travaille à Paris. Il est diplômé de l’Ecole nationale supérieure de la photographie d’Arles et son travail figure dans plusieurs collections publiques dont le Fonds national d’art contemporain et le musée Carnavalet. Il a fait l’objet de plusieurs expositions personnelles, notamment au Jeu de Paume, à la galerie Poller (New York et Francfort), au Plateau ou à la Cité des Sciences et de l’Industrie. Lauréat du prix Neuflize Vie en 2006, il s’est fait remarquer pour ses paysages de lisière. Mais en sachant y apporter une dimension humaine. « Dans le combat qui oppose le paysage naturel au paysage industriel, il invite un troisième acteur : les habitants. » Dès lors, le choc frontal devient moins lisible et l’on peut même « découvrir des images radieuses : scènes de plage, ou encore de promeneurs dans les dunes et les bois des alentours de la ville. » (Christophe Catsaros) Ce qui revient à dire que l’homme n’est plus un étranger mais qu’il a su s’adapter à un territoire mouvant et le faire sien.
Illustration : Jürgen Nefzger, Dimanche de Pâques sur le plage de Malo-les-bains, Dunkerque 2007 © Jürgen Nefzger, Courtesy Galerie Françoise Paviot
Du côté des War Games
L’installation sonore et photographique de Jürgen Nefzger, exposée dans l’une des salles du LAAC, présente un paysage de sable, de dunes et de blockhaus, où des jeunes viennent se retrouver tous les week-ens pour pratiquer le « Air Soft » (armes de loisir). La mise en scène est parfaite, le sens du mimétisme troublant. Les adolescents campent sur leurs territoires de jeu et participent volontiers à la représentation photographique qui entérine l’illusion. La dimension du jeu devient parfois plus visible, l’image dévoilant alors la distance qui persiste encore entre le réel et son double. Au couple guerre et paix se substituent les « war games », dont les analogies peuvent laisser songeur.
PUBLICATION
Catalogue de l’exposition : Jürgen Nefzger – Dunkerque, texte de Christophe Catsaros, critique d’architecture, et préface d’Aude Cordonnier, directrice des musées de Dunkerque, trilingue, Archibooks, 120 p., 40 ill., 28 €.
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