Le musée Réattu, musée des Beaux-Arts de la Ville d’Arles, invite un de ses plus célèbres rêveurs, Christian Lacroix, à investir les 2.000 m2 de ce fameux palais Renaissance, ancien Grand-Prieuré de l’Ordre de Malte, dont il avait fait, adolescent, le but hebdomadaire de son école buissonnière et le premier laboratoire de ses rêves d’artiste.
Comme une tresse à trois brins…
Le projet de Christian Lacroix pour cette « exposition » dont il est à la fois l’artiste et le scénographe, prend la forme d’une tresse à trois brins autour d’une thématique liée au corps, au pli, à la chevelure. Il articule une lecture personnelle des collections, anciennes et contemporaines (du dessin au son, en passant par la photographie), son propre travail de créateur, et une invitation à quelques autres artistes complices de ses itinéraires, tels Jean-Michel Othoniel ou Daniel Firman. Un dispositif dont l’édifice lui-même sera encore une fois le principal acteur. Christian Lacroix a toujours été sensible au paysage naturel, à la courbe du grand Rhône, à la puissance du vent : la situation qui avait jadis fasciné Réattu, le poussant à acquérir l’ensemble du Grand-Prieuré de Malte pour en faire à la fois sa demeure de peintre et un lieu idéal d’accueil pour des artistes en résidence. Après Ossip Zadkine et Lucien Clergue mais avant Picasso, Christian Lacroix répondait ainsi sans le savoir au vœu de Réattu, vérifiant à la fin des années 60 le pouvoir d’un lieu magnétique qui n’a cessé d’inspirer les artistes.
Une œuvre d’art totale…
Christian Lacroix compose son intervention comme une « autobiographie légère, vagabonde, songeuse », où il est aussi bien question de coutumes, de Minotaure, de Picasso, de géographie, d’antique et de contemporain, de nord et de sud, que de patronage, de coupe, de drapé, et de chevelure… Ce grand atelier vivant, faisant une place aux cinq sens, et où chacun composera son propre itinéraire, prend possession de l’intégralité des lieux – les collections, le Palais, les abords. Il a une double dimension historique et poétique : la naissance de la vocation artistique de Christian Lacroix dans ce Palais du bord du Rhône a correspondu avec les plus belles heures du renouveau de l’établissement, depuis la création en 1965 de la collection photographique – une première dans un musée français – jusqu’à cet autre événement majeur que fut la donation Picasso.
… dans un musée à l’aube d’un grand projet
Le projet scientifique et culturel du musée, validé en 2004 par la DMF (Direction des Musées de France), s’appuie très largement sur cette identité singulière, continûment dédiée à la création contemporaine autour de l’idée d’un laboratoire. Au-delà de son ancrage historique, l’invitation faite à Christian Lacroix répond à un autre aspect des collections du musée, largement développé ces dernières années par une pratique régulière de la commande : la pluridisciplinarité, construite autour de la porosité entre architecture, sculpture, dessin, design et photographie. C’est aussi bien ce travail attentif de croisement des disciplines et de mélange des genres qui nourrit en profondeur la recherche constante de nouveaux publics, comme vient de le démontrer cette année la création d’un département d’art sonore – là encore le premier en France dans un musée des beaux-arts. Cette exposition correspond à un tournant capital de l’histoire du musée, au moment où s’annonce la mise en œuvre du projet scientifique et culturel : rénovation du Grand-Prieuré de Malte et extension du musée.
Illustration : Robes Haute Couture et dessins de Christian Lacroix ;< Liquid Cristal de Daniel Firman ; Photo Philippe Praliaud
PUBLICATION :
Catalogue édité par Actes Sud, illustré des images in situ de l’installation dans le musée. Parution le 8 juillet 2008.
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