Le musée du Prado présente une ambitieuse exposition sur le portrait européen aux XVe et XVIe siècles. Organisée avec la National Gallery de Londres, où elle sera montrée sous une forme modifiée en octobre, et sponsorisée par la fondation Axa, elle retrace le développement du genre au moyen de chefs-d’œuvre qui témoignent de la vitalité de la scène artistique aussi bien au nord qu’au sud du continent. L’exposition réunit près de 130 œuvres de 70 artistes, dont la moitié est constituée de prêts d’institutions internationales. Les plus grands noms de la Renaissance sont représentés, de Jan van Eyck à Rubens, de Dürer à Titien, de Botticelli à Holbein. Jamais auparavant un tel ensemble de portraits de la Renaissance, d'auteurs aussi nombreux et d'une nature aussi diverse, n'avait pu être réuni. Cette exposition apporte une incomparable vue d'ensemble des meilleures œuvres de chacun de chaque artiste, en même temps que quelques-unes des plus belles images de toute la période de la Renaissance
Entre rois et bouffons
De nombreux points fondamentaux du genre du portrait sont abordés, de la question de la ressemblance à la définition de l’identité. Sont aussi bien présentées des commandes motivées par l’amour, l’amitié ou le mariage, que des autoportraits, lesquels permettent de démontrer l’extrême variété d’approches choisies par les artistes à l’heure de se représenter. L’évolution du portrait de cour est un autre thème-clé. A travers les peintures de Titien ou les sculptures de Pompeo et Leone Leoni, on peut déceler la mise en place d’un modèle appelé à s’imposer pendant des siècles. Les limites physiques et conceptuelles du portrait sont également analysées de près, amenant à la définition d’un “contre-portrait” ou d’un “anti-idéal”. En contraste flagrant avec les grands personnages que les peintres de portraits avaient l’habitude de représenter, voici par exemple des bouffons et des nains ainsi que des représentations satiriques. Ces dernières permettaient aux artistes de montrer leur aptitude à restituer la réalité, tout en les libérant de la contrainte de l’idéalisation.
Un art venu d’Italie et des Flandres
La première section étudie les facteurs qui ont conduit à l’apparition du portrait moderne : d’un côté, la tradition médiévale, avec les séries dynastiques, les icônes et le naturalisme de l’art gothique ; de l’autre, la redécouverte de l’art classique. Au XVe siècle, on voit se mettre en place des différences typologiques et conceptuelles entre les deux grands foyers de l’art du portrait, l’Italie et les Flandres. Au siècle suivant, le portrait s’affirme comme le genre qui permet le rapport le plus spontané entre l’œuvre et le spectateur. Quelques-uns des tableaux emblématiques réunis sont Marguerite, l’épouse du peintre par Jan van Eyck (musée Groeninge, Bruges), Portrait d’homme par Antonello de Messine (musée Thyssen Bornemisza), Frédéric Gonzague, premier duc de Mantoue par Titien (appartenant au Prado, il a été restauré pour l’exposition), et le Vieil homme et son petit-fils, par Domenico Ghirlandaio (Musée du Louvre), que les visiteurs pourront admirer pour la première fois à côté d’une autre œuvre de l’artiste, Giovanna degli Albizzi (musée Thyssen Bornemisza).
Des portraits plus grands et plus nombreux
L’exposition révèle deux constantes dans le genre du portrait à la Renaissance : sa "démocratisation" graduelle (au début apanage des classes riches, il finit par concerner toute la société) et l’augmentation progressive de sa taille (les portraits les plus anciens étaient conservés, après contemplation, dans une armoire, tandis qu'ils furent plus tard communément accrochés au mur). Le portrait, et notamment l’autoportrait, a offert aux peintres un terrain idéal d’expérimentation. Le portrait de cour, quant à lui, est marqué par une homogénéisation progressive, sur des canons développés par Titien et Antonio Moro à l’intention des Habsbourg. Se mesurant à d’autres problématiques – comment étaient faits les portraits, quel était le rôle de l’imprimerie dans leur diffusion – l’exposition entend prouver que la Renaissance n’a pas seulement été l’époque historique qui a vu naître et se développer le genre du portrait, mais qu’elle a également correspondu à sa maturité et à son plus sublime apogée.
PUBLICATION:
Le catalogue est publié sous la direction de Miguel Falomir et comprend des essais de spécialistes renommés.
Illustration :.Peter Paul Rubens Brigida Spinola Doria huile sur toile, 152.5 x 99 cm
Washington D.C., National Gallery of Art
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