CHEFS-D'ŒUVRE DU GOTHIQUE EN NORMANDIE
Sculpture et orfèvrerie du XIIIe au XVe siècle

La Normandie des derniers siècles du moyen âge est une terre de contraste. Héritière d'un passé glorieux après que le duc Guillaume fut devenu le Conquérant de l'Angleterre (1066), elle est marquée par l'empreinte d'une identité anglo-normande qui s'exprime dans les dizaines d'églises romanes visibles encore aujourd'hui. La Normandie est le produit d'une culture originale, synthèse des courants migratoires du nord-ouest de l'Europe.

Un blanc manteau d’églises

En 1204, elle doit abandonner son indépendance de fait pour entrer dans le royaume capétien. Cette Normandie française est d'abord servie par un long siècle de paix et de prospérité économique puis projetée au cœur de la Guerre de Cent Ans. En toutes circonstances, elle conserve une riche production artistique. Eglises, abbayes et surtout cathédrales sont des chantiers permanents où l'on transforme, restaure, embellit et parfois reconstruit les édifices antérieurs. Lentement au cours du XIIIe siècle la décoration prend une forme nouvelle. La statuaire en ronde-bosse, d'abord maladroite puis de plus en plus fine, s'impose. C'est alors un foisonnement d'œuvres sculptées qui envahit avec bonheur l'espace intérieur des édifices religieux. Plusieurs groupes sont montrés, notamment ceux plus tardifs et plus raffinés, liés à l’iconographie de la Passion du Christ. Le vitrail connaît un essor sans précédent à partir du XIIIe siècle et contribue grandement à la décoration des églises comme le prouvent les huit anges musiciens de Dives-sur-Mer.

Sous l’égide de la Vierge

L'affirmation du culte de la Vierge Marie qui atteint son apogée au XIVe siècle est la quintessence même de cet art gothique. Les représentations mariales se multiplient, toutes les églises en possèdent. Modeste ou somptueuse, assise ou au long manteau ouvert, allaitante ou portant son fils sur le bras… la Vierge Marie est partout et devient le vecteur de la production artistique. L’exposition en présente une riche sélection, de la Vierge assise de Martinvast jusqu’à la i<>Vierge à l’Enfant debout d’Octeville, un prototype mille fois reproduit. Ce défilé de Vierges de pierre est interrompu par l’authentique chef-d’œuvre qu’est la Marie-Madeleine d’Ecouis. Voluptueusement habillée de sa seule chevelure, c’est la statue gothique la plus inattendue qu’on puisse voir mais aussi la plus ancienne représentation de Marie-Madeleine.

De la sculpture à l’orfèvrerie

Le puissant clergé de Normandie occidentale passe commande à des artistes locaux sans doute moins habiles mais riches d'un répertoire iconographique inattendu (Education de la Vierge, Présentation au Temple, Ecce Homo…). Les saints régionaux comme les « grands » saints de l'Evangile font également l'objet d'une production qui ne cesse de surprendre par sa diversité et sa constante évolution stylistique. On peut notamment voir les neuf apôtres du Collège apostolique de Saint-Pierre de Jumièges, au style incisif et élégant, qui ont miraculeusement échappé aux destructions du XIXe siècle. L'orfèvrerie qui apporte un écrin aux reliques et rivalise de somptuosité ne nous est que rarement parvenue du fait même de la rareté de son matériau. Pourtant, par les hasards de l'histoire, la Normandie conserve les deux seules grandes chasses-reliquaires gothiques françaises, celles de l’église abbatiale Saint-Taurin d’Evreux et de Saint-Romain de la cathédrale de Rouen. Elles sont présentées ensemble ici pour la première fois.
Illustration : Chasse de Saint-Romain, cuivre doré, XIIIe s., trésor de la cathédrale de Rouen (76),photo : CMN, Paris / Chr. Boulenger

PUBLICATIONS :

Catalogue de l’exposition, 200 p., 130 ill., 35 €
Journal de l’exposition, 20 p., illustrations couleurs, 3 €

De nouveaux espaces pour le musée

La première phase de travaux de réhabilitation du Château entrepris par la Ville de Caen a permis au musée de gagner plus de 1200 m2 de surface de planchers sur trois niveaux. L'exposition inaugure un grand espace d'expositions de 500m2, les Salles du Rempart . Un espace d'accueil pédagogique est également compris à la jonction des salles d'expositions et de l'Echiquier des Ducs de Normandie. En sous-sol, une galerie d'étude et de conservation permet au musée de redéployer ses collections entre ses réserves actuellement surchargées et ces nouveaux locaux. Pour l'ouverture des salles du rempart, le musée propose un parcours archéologique d'une forge et d'une maison du XIVe siècle et d'un énigmatique souterrain découverts à l'occasion des travaux. Des points de vue inédits sur le palais ducal et le vaste donjon sont possibles depuis un belvédère accessible à tous par un ascenseur dissimulé dans une tour médiévale.
Les salles des remparts