Les expositions autour de Napoléon Ier et du Premier Empire, qui sont déjà fort nombreuses, ont généralement laissé de côté le développement de la légende napoléonienne de l’époque romantique (les années 1820) à la fin du Second Empire (1870). Durant cette période, les peintres et les illustrateurs se sont emparés du personnage historique et politique de Bonaparte/ Napoléon pour créer une mythologie impériale autour de son épopée. Celle-ci a rencontré le talent d’artistes prestigieux qui ont réalisé des commandes officielles importantes, à l’instar d’Horace Vernet pour la galerie historique du Château de Versailles. Mais elle fut aussi largement enrichie par l’œuvre d’artistes illustrateurs, tels que Nicolas-Toussaint Charlet (1792-1845).
Un maître de la lithographie
Pionnier de la lithographie – technique novatrice en ce début de XIXe siècle – Nicolas-Toussaint Charlet fut un artiste admiré de son époque, en particulier par cette génération des Géricault, Delacroix et Musset, nés trop tard pour vivre la grande épopée napoléonienne. Pour son malheur, le médium qui fit son succès de son vivant précipita aussi sûrement son oubli dès sa disparition. Peintre de quelques trop rares tableaux conservés sur les cimaises des musées, les lithographies de Charlet sont de ces œuvres qui – comme le rappelait douloureusement Eugène Delacroix dans un plaidoyer pour son ami – « ne parlent plus pour l’artiste après qu’il ait disparu » et qui nécessitent « des voix émues pour le rappeler à la mémoire des générations qui se succèdent ». En effet, depuis la grande exposition rétrospective de l’œuvre de Charlet à Paris en 1893, l’actualité de ce grand maître de la lithographie n’a cessé de décliner.
Un créateur prolifique
Non que l’œuvre soit rare : Charlet a produit plus de mille lithographies, et pour une part importante consacrées à Napoléon et sa Grande Armée. Charlet est un des principaux artisans de la légende napoléonienne, dans sa version populaire, qu’il incarne dans le type du grognard, bravache et sentimental. Il a aussi laissé quelques grands tableaux d’histoire, et sa Retraite de Russie (1836), admirée par Alfred de Musset, fit aussitôt partie des classiques de la peinture française. Mais sa production immense ne se résume pas qu’à la légende napoléonienne et l’exposition permet de découvrir toute l’œuvre et la personnalité de Charlet : l’élève du baron Gros, l’ami de Géricault, le professeur à l’école polytechnique, le bon citoyen défenseur de sa patrie, digne d’un père dragon de la République mort au champ d’honneur.
L’heure de la redécouverte
Du charmant abécédaire pour les enfants aux albums racontant la vie pittoresque du vieux grognard, le ton des œuvres de Charlet est enjoué, volontiers cocardier, souvent ironique, comme celui des chansons de Béranger, son contemporain. En dépit de son talent et de sa popularité, l’écrasante production de lithographies et de dessins de Charlet le relégua dans la sphère des petits maîtres et des artistes secondaires. Le grand mouvement de redécouverte du XIXe siècle, entamé dans les années 70, permit la réhabilitation d’un certain nombre d’artistes. Néanmoins, les recherches sur les graveurs-lithographes du XIXe siècle ont été longtemps dominées par la figure de Daumier dont le talent était plus en accord avec la sensibilité contemporaine. S’inscrivant dans cette dynamique de relecture de l’art du XIXe siècle, l’exposition a pour but d’amener à percevoir les enjeux artistiques et politiques d’une époque mouvementée, marquée par le souvenir très vivace de l’Empire et le culte populaire de Napoléon Bonaparte, mais aussi d'approfondir la connaissance de cette révolution technique et esthétique que fut la lithographie.
PUBLICATIONS :
Catalogue de l’exposition, environ 160 pages, 100 illustrations, Bernard Giovanangeli Editions
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