Jamais aucune exposition n’a salué l’exceptionnelle beauté de la faïence Moulins. Peu connue du grand public, cette remarquable production a atteint son apogée au milieu du XVIIIe siècle. Vases, assiettes, bassins de fontaine, pichets, théières et statuettes se parent de rouges vifs, de verts éclatants, de jaunes pétillants et de bleus éblouissants. Scènes de genre, images champêtres, statuaire religieuse ou motifs aux accents asiatiques : la faïence de Moulins est aussi riche qu’inventive.
Une célébration du XVIIIe siècle
Pour la première fois, le musée Anne-de-Beaujeu porte au grand jour la richesse de cet artisanat de luxe, en réunissant, à Moulins, des pièces provenant de grandes collections publiques françaises (musées de Sèvres, de Limoges, des Arts décoratifs de Paris, etc) et de collections privées. Les connaisseurs admireront des objets rares tandis que les amateurs d’art découvriront, au fil de leur visite, un pan méconnu de l’histoire de l’art bourbonnais. Les premiers faïenciers se sont installés à Moulins vers 1730, d’abord influencés par la technique héritée de Nevers, ville dont ils sont originaires, puis par celle de Rouen et Sinceny. Rapidement, ils s’affranchissent de leurs références artistiques pour créer, à partir des années 1740-1750, des décors « de grand feu » dont l’identité affirmée portera cet art à son apogée.
Inspirations chinoises
L’inventivité, la virtuosité des décors de la faïence de Moulins, dont les plus remarquables mettent en scène des personnages chinois, placent ces productions parmi les plus belles réussites des arts décoratifs du XVIIIe siècle. A ce jour, seul un livre de Roger de Quirielle, publié en 1922, s’est intéressé en détail à la faïence de Moulins. Presque un siècle après la publication de cet ouvrage fondamental, la recherche a permis de mieux connaître cette production. Les travaux universitaires de Christelle Meyer apportent notamment un éclairage inédit sur l’importance du décor dit « au Chinois », c’est-à-dire mettant en scène des personnages chinois dans une luxuriante ornementation végétale, motifs inspirés de la porcelaine extrême-orientale. Les résultats de ces recherches sont à découvrir sous la forme d’un ouvrage accompagnant l’exposition, publié en coédition avec Bleu autour, éditeur bourbonnais.
De la matière première au décor
L’exposition présente environ 200 faïences, documents d’archives, outils, déployés dans trois salles. Elle invite d’abord les visiteurs à découvrir les aspects techniques et historiques de la faïence moulinoise, avant de leur donner à voir les multiples motifs qui ornent des objets tour à tour classiques, surprenants ou tout simplement uniques. La première salle donne à voir les matériaux et les techniques employés à l’époque, comme les matières premières, le tournage, le décor, etc. Elle invite aussi à une plongée dans l’histoire des manufactures de faïence moulinoises des années 1730 jusqu’au XIXe siècle, à travers le parcours de la dynastie Dubourg, d’Etienne Grassot, de Joseph Chambon. La deuxième salle fait découvrir les principaux décors : celui, populaire, hérité de Nevers, la statuaire religieuse, les motifs patronymiques, le décor rocaille et l’imitation des styles d’Extrême-Orient. Les différentes variétés de décors dits « au Chinois » sont exposées dans une salle dominée par une exceptionnelle tapisserie d’Aubusson, prêtée par le musée du Louvre et intitulée Le Thé.
Illustration : Personnage assis sur un motif rocaille, détail d'une assiette stannifère à décor de grand feu (coll. Musée Anne-de-Beaujeu ) C. Parisey (CG03)
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