Le musée Hébert, dans la présentation qu’il lui consacre dans la grande galerie et le cabinet des dessins, montre le cheminement de Jean Achard (1807-1884). De l’adolescent qui dessine sur les hauteurs du village de Voreppe, en Isère, au paysagiste accompli qui peint des pochades aux côtés de Corot, de la manière néoclassique au réalisme de 1850, l’artiste se montre indépendant et passionné et assume pleinement la vie exigeante qu’il a choisie.
L’appel de la montagne
Après avoir été commis chez son oncle huissier à Grenoble, puis chez un avocat, il s’inscrit à l’Ecole municipale gratuite de dessin, dirigée par Benjamin Rolland (1777-1855). Dès ses premières années d’apprentissage, Achard rencontre les peintres romantiques qui viennent chercher en Dauphiné des sujets pittoresques. C’est l’un d’entre eux, Isidore Dagnan, qui l’emmène travailler dans les environs de Grenoble. D’abord attiré par les montagnes qui l’entourent, le jeune paysagiste peint sur nature les études de ses premiers tableaux de Salon. Ses toiles sont à la fois imprégnées du paysage composé classique - construit et idéalisé - et de l’influence naturaliste de l’école flamande.
L’idéal saint-simonien
De 1834 à 1835, il fait un séjour en Egypte avec les saint-simoniens. Le jeune Achard est visiblement séduit par ce « socialisme utopique » qui a profondément marqué par la suite la société industrielle et économique du Second Empire. Il devient professeur de dessin à Abouzabel, non loin du Caire. Fuyant l’épidémie de peste, il rentre en décembre 1835, en faisant une escale de quelques mois à Naples et en Sicile, d’où il rapporte les études présentées ici. C’est avec une œuvre orientaliste, Vue des environs du Caire, effet du matin qu’il participe à son premier Salon parisien en 1839. Toute son existence restera marquée par les principes du saint-simonisme qui préconisent, entre autres, l’égalité des chances, l’éducation pour tous et dénoncent la propriété et l’héritage. Ils ont guidé son mode de vie : goût du partage et de la transmission, sens de la vie communautaire, perfectibilité et intransigeance, indifférence à l’enrichissement personnel et aux honneurs.
De Barbizon à Grenoble
Installé à Paris pendant près de trente ans, Achard y noue un étroit compagnonnage avec les membres de l’école de Barbizon, qui est déterminant dans l'évolution de son art. A la belle saison, Achard part régulièrement en quête de nouveaux sites et de lumières naturelles, travaillant dans l'Ain, en Ile-de-France ou en Normandie, où il retrouve Boudin, Corot, Daubigny, Français, Jongkind, Troyon et son élève Harpignies. Bientôt il ne peint plus que la campagne familière, de simples morceaux de nature, cadrés au plus près, qui prennent alors une dimension poétique. La pratique du plein air n’a pas seulement apporté au paysagiste des sujets « réalistes », elle a aiguisé son regard et nourri son sentiment de la nature. Autant de qualités qu’il transmettra à la fin de sa vie aux jeunes artistes de Grenoble, où il revient s’installer en 1870, après son dernier Salon parisien.
Illustration : Paysage dauphinois Vers 1844 Huile sur toile Collection particulière © Jean-Luc Lacroix
PUBLICATION :
Jean Achard, un paysagiste à l’école de la nature, par Laurence Huault-Nesme, directrice du musée Hébert de La Tronche, avec une préface de Vincent Pomarède, Conservateur en chef du département des Peintures du Musée du Louvre, éditions Glénat, 128 p. couleur, 89 illustrations, 45 €.
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