Pour la première fois, l’aventure Majorelle fait l’objet d’une rétrospective dans sa ville d’origine. Au-delà de la célébration du 150e anniversaire de la naissance de Louis Majorelle (1859-1926), l’exposition Majorelle, un art de vivre moderne, fait revivre l’œuvre de l’artiste et de sa manufacture, des prémices de l’Art nouveau au vocabulaire moderniste des années 1930-1940, en une succession de styles qui façonnèrent une réputation d’élégance et de qualité. Louis Majorelle aimait à se définir comme un « industriel d’art » : sa production associe et revendique des meubles d’art et de série, diffusés à travers le monde grâce à une organisation commerciale performante. L’entreprise initiée par Louis sera poursuivie par ses frères et anciens collaborateurs, jusqu’à la fermeture définitive des ateliers en 1956.
Une carrière de peintre avortée
En 1860, Auguste Majorelle (1825-1879), originaire de Lunéville, ouvre à Nancy un commerce de meubles et d’objets d’art. D’abord spécialisé dans la décoration sur faïence, Auguste Majorelle collabore avec Keller et Guérin à Lunéville et avec la manufacture de Toul-Bellevue. Il s’installe à Toul en 1858 et oriente son activité vers la décoration de mobilier dans le style japonais (vernis Martin) et la copie de style. Louis Majorelle, son fils aîné, naît le 3 octobre 1859. Suivent sept frères et sœurs, dont Jules (1866-1934), qui occupera la direction commerciale de la manufacture. Alors qu’il envisage une carrière de peintre et étudie à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris, Louis perd son père et revient à Nancy pour épauler sa mère dans la direction de l’entreprise familiale. Celle-ci emploie déjà plus de vingt ouvriers et profite de conditions économiques favorables, au lendemain de l’Annexion de l’Alsace Moselle.
Développement international
Sous l’impulsion de Louis, la manufacture se lance dans une production de mobilier moderne, influencé par la nature et les recherches d’Emile Gallé, dont le succès est immédiat. Dans le même temps, il poursuit une production industrielle de copies de style. Avec l’aide de Jules Majorelle, l’entreprise amorce la conquête des marchés parisiens et internationaux. Dès 1904, elle dispose d’un magasin de vente à Paris rue de Provence (l’ancien magasin de Samuel Bing), tandis que des succursales sont implantées à Londres, Berlin, Lyon, Lille ou même Oran. Des catalogues de vente présentent une production variée et attestent de la pérennité de certains modèles au fil des décennies. En 1897, la manufacture s’installe dans de nouveaux bâtiments modernes, rue du Vieil Aître. Louis Majorelle fait construire à côté sa villa (Villa Jika), sur les plans du jeune architecte parisien Henri Sauvage. En 1916, un incendie ravage les ateliers et fait disparaître la totalité des archives de l’entreprise.
Une production variée
Parallèlement à l’activité d’ébénisterie, l’atelier de ferronnerie prend à partir de 1898 une ampleur nouvelle. Plaques de propreté, serrures, ferronneries architecturales mais surtout applications de bronze sur les meubles épousent la structure avec une cohésion parfaite et une élégance inégalée. Dès 1902, Majorelle travaille avec Daum à la production de luminaires associant le robuste fer forgé au verre fragile. Cette collaboration se poursuit après la Première Guerre mondiale avec la conception de vases soufflés dans le style Art déco. Après le décès de Louis Majorelle en 1926, la direction artistique est confiée à son fidèle collaborateur Alfred Lévy, tandis que Jules, puis son fils Jean s’occupent de la gestion financière. D’importantes commandes d’aménagement de bureaux, navires (le Normandie) ou grands magasins (les Galeries Lafayette) permettent à la manufacture de poursuivre son activité au-delà de la Seconde Guerre mondiale.
PUBLICATION :
Catalogue Majorelle, un art de vivre moderne, sous la direction de Roselyne Bouvier, Editions Nicolas Chaudun / Ville de Nancy, 2009, 208 p., 35 €, parution mai 2009.
Illustration : L.Majorelle Coiffeuse et tabouret, vers 1930-33. Collection particulière. Cliché Bergkrantz
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