Entre les clichés d’une Afrique intemporelle aux femmes en boubou et d’un continent en prise inévitable avec la mondialisation, la richesse de l’Afrique de l’Ouest est souvent méconnue et caricaturée. Cette exposition permet au visiteur de retracer les différents rôles du textile dans les cultures africaines : mode d’expression esthétique ou code social, le textile est un véritable médium pour comprendre la société d’hier et d’aujourd’hui.
Entre tradition et modernité
Au travers des techniques et des symboles utilisés dans la fabrication textile apparaissent l’importance des modes de transmission des savoir-faire et des coutumes et l’importance des femmes dans la structure socio-économique de l’Afrique. Le coton, fibre africaine par excellence, est le fil conducteur de l’exposition. Les différentes étapes de sa transformation, en font le support d’un décor, d’une teinture utilisant des pigments naturels et des techniques traditionnelles (bogolan, batik, etc.) mais aussi des méthodes plus industrielles. Savoir-faire traditionnels et industriels coexistent encore aujourd’hui et font la richesse de l’Afrique des textiles. Outre l’approche technique, il s’agit de montrer la diversité et la grande créativité de ces textiles qui inspirent aujourd’hui les plus grands couturiers du monde mais aussi les industriels français.
Illustration : Tissage de Kente Evhé au Sud-Est du Ghana. Photographie Anne Grosfilley.
Des créations contemporaines
L’exposition contient également un hommage aux couturiers africains actuels comme Pathé’ O, reconnus dans le monde entier par le milieu de la mode et de la haute couture. Ces couturiers réinterprètent leur héritage culturel pour créer des lignes résolument contemporaines : une manière de convaincre les populations africaines de revendiquer leur africanité en posant un autre regard sur leur patrimoine textile. Le musée présente quelques-unes de ces créations en présence de couturiers africains lors d’un défilé de mode. Le travail des artisans qui se consacrent au tissage, à la teinture ou à l’impression est mis en perspective avec l’industrie. Les techniques artisanales se complexifient en explorant les possibilités offertes par les matériaux de l’industrie. Ainsi l’introduction de colorants chimiques en provenance de laboratoires allemands a-t-elle profondément modifié le travail de la teinture, par la rapidité de la préparation et la variété quasi infinie de couleurs pouvant être obtenues. Mais, au lieu de simplifier leur travail, les teinturières ont profité de ces nouvelles propriétés pour explorer des associations et superpositions de couleurs, et combiner diverses techniques de réserves.
De l’adinkra au wax
Les différentes techniques de tissage, de teinture et d’impression sont présentées depuis leurs origines (coton filé à la main et teinture végétale)… jusqu’à leurs adaptations modernes. Les usages, du drapé au cousu, complètent l’illustration de ces transformations. Ainsi passe-t-on successivement en revue le wax, batik industrialisé et véritable « tissu africain d’Europe », l’indigo, bleu typique de l’Afrique encore travaillé par les femmes bozo et dogon du Mali et les hommes mossi du Burkina Faso, ou encore l’adinkra, un tissu funéraire. Les mutations des sociétés africaines, et l’importance croissante des villes par rapport au monde rural entraînent de nombreux changements qui se lisent dans le textile. Certains noms de pagnes reflètent les préoccupations de la vie urbaine tandis que des créateurs de « haute couture » osent découper des tissages traditionnellement drapés. Quand le tissu parle et fait parler…
Illustration : Wax UNIWAX 12102 imprimé en Côte d'Ivoire. XXe siècle. Photographie Anne Grosfilley
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