Hautement apprécié en Chine, le maître Chu Teh-Chun, au sommet de son art, vient de consacrer deux ans à la réalisation d’une œuvre céramique. Cinquante-six vases peints de sa main sont exceptionnellement présentés au sein des collections du musée Guimet. Premier artiste français d’origine chinoise élu à l’Académie des Beaux-arts en 1997, Chu Teh-Chun a tenu à honorer le pays qui l’accueille depuis 1955, en associant son talent à celui de la Manufacture nationale de Sèvres.
La tache et le trait
Le moulage, le coulage, l’émaillage, le décor, le brunissage, au total plus de trois cents heures d’un patient labeur sur chaque pièce créée, a été suivi, documenté et filmé. Cette entreprise permet d’aboutir aujourd’hui à une première présentation au public d’un ensemble intitulé « De neige, d’or et d’azur », dans la Grande Rotonde du musée Guimet. A la suite de « La symphonie festive », grande toile créée en 2002 pour l’Opéra de Shanghai, Chu Teh-Chun offre de nouveau un univers en perpétuel jaillissement. Travaillant dans le silence et la concentration, il transcrit cette langue intérieure d’une très grande sensibilité. Pour mener à bien cet exercice difficile de libre improvisation sur une matière exigeante, son exécution doit être précise. Le graphisme est centré autour de la tache qui ponctue et module ; et du trait qui engendre les liens.
Blanc, bleu et or
Afin de donner plus de profondeur à son œuvre, il dépouille successivement sa palette pour se fonder sur trois valeurs chromatiques et à résonnances culturelles : le blanc immaculé venu de la porcelaine de Chine, le bleu-saphir du cobalt issu de la Perse, et les ors mats et brillants des anciennes tables royales européennes. Pour maîtriser cette technique, à la fois proche et lointaine, l’artiste a renoué avec sa patrie intérieure. Comme dans l’espace de ses tableaux, nous entrons dans l’empire de la lumière que son pinceau s’ingénie à extraire du chaos. A la manière des maîtres de la Chine ancienne, il donne forme à sa vision. En s’inspirant des grands maîtres des Song (960-1278), rejetant l’horizon derrière nous, il nous installe au centre même de ses compositions. D’où l’idée d’une mise en regard directe dans le parcours du musée, de certaines de ses créations avec les œuvres du passé.
Voyage autour d’un vase
Habituellement considérés comme objets de décoration, les vases – au nombre de 56 – sont ici des œuvres picturales à part entière. L’artiste modifie même le rapport en le transformant en contemplation active par sa surface sphérique. Lien subtil entre l’art et la nature, chaque vase invite à accomplir une sorte de périple giratoire, sans commencement ni fin, avec une multiplicité de chemins de traverse, où chacun est à même de trouver le sien. Les visiteurs apprécieront ces créations inédites dont la noblesse des formes, la pureté du corps et les sortilèges du décor échappent aux esthétiques orientale et occidentale, pour donner un langage contemporain universel.
Illustration : Outils de brunissage, brunissoirs en pierre semi précieuses (agates et hématites) 29 mai 2006 - 11 décembre 2008 Photographie Matte Aleti © Marlborough Gallery/Atelier Chu Teh-Chun
PUBLICATIONS :
Catalogue De neige, d’or et d’azur. L’œuvre céramique de Chu Teh-Chun. Texte et présentation par Jean-Paul Desroches. Photographies des œuvres par Matte Aleti. Sous la direction artistique de Jean-Baptiste Leroux, photo-reportage par Martin Fraudreau. Edition trilingue : français, anglais, chinois, éditions La Martinière/Abrams, à paraître en septembre 2009, 120 €.
Le journal de l’Exposition, édition Arlys, 6 €
Pour voir d'autres illustrations, cliquez sur ENGLISH VERSION en haut de page.
|