Destination privilégiée des touristes depuis le début du XIXe siècle, la Normandie se devait de faire l’objet d’une exposition de synthèse. Celle-ci analyse sa genèse et sa pérennité en tant que terre de loisirs, en réunissant des collections parfois insolites, souvent méconnues, de Normandie orientale et occidentale, mais aussi d'Angleterre, berceau de la mode balnéaire et des loisirs en Europe au XVIIIe siècle.
Les vertus de l’eau
Au XVIIe siècle, en Angleterre, de nouvelles pratiques thérapeutiques liées à l'eau bouleversent les mentalités et les flux de voyageurs. Les villes d'eaux connaissent un engouement sans précédent. Sur leur modèle se développent au siècle suivant les premières stations balnéaires, dont la célèbre Brighton. Cette mode s’exporte Outre-Manche. Comme en Angleterre, les premières destinations de villégiature normandes sont les stations thermales : Forges-les-Eaux (Seine-Maritime) et Bagnoles-de-l'Orne (Orne). On découvre les bienfaits thérapeutiques du bain de mer, préconisé dans le traitement de la rage, de l'anémie ou de la dépression, et qui est pris dans la mer ou dans l’établissement de bains construit sur la plage. Ainsi, c'est en raison de sa santé fragile que Proust est envoyé à Cabourg vers 1880. Tout au long du XIXe siècle, le bain est une véritable épreuve, au cours de laquelle le corps est immergé de manière soudaine afin d’en augmenter les effets bénéfiques. Cependant, de supplice, le bain devient peu à peu un véritable plaisir. L’apprentissage de la nage, au début du XXe siècle, le libère des «guides-baigneurs», auparavant indispensables.
Urbanisme et architecture
Certaines stations se développent autour d'un village ancien, comme Trouville, dont les balbutiements touristiques, marqués par la fréquentation du peintre Charles Mozin, datent des années 1820, ou Granville, cité corsaire, où les premiers baigneurs sont également attestés au tout début du XIXe siècle. D’autres stations sont créées ex nihilo, œuvres de promoteurs immobiliers qui font le bonheur des spéculateurs. Deauville est sans doute l'exemple parfait de la «station intégrée», qui naît en 1859, sous l'impulsion du Duc de Morny grâce à une société immobilière composée de banquiers et d'hommes d'affaires. Les stations thermales et balnéaires sont de véritables laboratoires de création architecturale aux XIXe et XXe siècles. Les villas particulières, les hôtels, les établissements publics sont marqués par l'éclectisme des styles : mauresque, suisse, italien, jusqu’au néo-normand, qui symbolise encore l’âge d'or de la villégiature balnéaire.
Loisirs et découverte du territoire
Les stations balnéaires offrent mille divertissements. Le casino mêle tables de jeux, dancing, théâtre. Faire ou voir du sport est une autre obligation mondaine : courses de chevaux et courses automobiles, tennis, golf, polo, tir… Tout grand hôtel digne de ce nom met à disposition des clients courts de tennis ou terrain de golf. Si l'essor du tourisme a été favorisé par l’invention du chemin de fer (depuis la première ligne reliant Paris à Rouen, puis au Havre en 1847 jusqu’aux trains «de bains de mer»), le vélocipède puis l'automobile donnent au tourisme son caractère individuel. Une nouvelle approche du territoire apparaît, symbolisée par l'excursion, souvent orchestrée par les syndicats d'initiative qui apparaissent au début du XXe siècle. Si le touriste a pris connaissance des richesses de la Normandie à travers des ouvrages comme La Normandie pittoresque et monumentale de Taylor et Nodier ou les affiches des compagnies de chemin de fer, il peut aussi en rapporter une image chez lui : c’est la fonction de l’objet souvenir, dont le plus commun est la carte postale. Créée à Vienne en 1869, elle arrive en France en 1870. Son succès en fait encore aujourd'hui un élément indissociable du tourisme.
PUBLICATIONS :
Catalogue Destination Normandie, éditions 5 Continents, Milan, 208 p., 24 x 28 cm, 35 €
Journal de l'exposition Destination Normandie, éditions Orep, 32 p., 17 x 24 cm, 5,5 €
Illustration : Eugène Le Poittevin La baignade à Etretat, vers 1858, huile sur panneau, collection «Peindre en Normandie», cliché Philippe Fuzeau
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