ArtAujourdhui.Hebdo
N° 5 - du 18 mai 2006 au 24 mai 2006
L'AIR DU TEMPS
Embarquement immédiat pour la Tate
C’est un peu la dictature de la nouveauté, le règne de l’obsolescence accéléré. Pour être à la page, de plus en plus de collections permanentes ressentent le besoin de modifier régulièrement leur accrochage. Souci de mimétisme avec les expositions temporaires, qui attirent tant de monde ? A vrai dire, il y a aussi derrière cette politique la nécessité de faire tourner des fonds pharaoniques. Le Centre Pompidou s’y est déjà essayé à deux fois, avec un certain succès (Big Bang puis le Mouvement des Images, il y a peu). La Tate Modern de Londres lui emboîte le pas. Six ans après son ouverture, elle réordonne ses salles selon quatre divisions qui semblent bien classiques : Cubisme, Surréalisme, Expressionnisme abstrait et Minimalisme. Mais les conservateurs assurent que cette présentation n’est pas chronologique et qu’ils explorent les prémices et les effets de chacun de ces courants grâce à une installation originale : à une grande salle, ou « hub », se rattachent des espaces satellitaires. Comme à Roissy ou Heathrow. Le Rijksmuseum avait joué un rôle de pionnier en installant un micro-musée à l’aéroport de Schiphol. La Tate boucle la boucle en introduisant le concept d’aéroport au musée. Au fond, avec les fouilles de sécurité à l’entrée et les espaces de vente qui font penser aux « duty free », on n’en était pas loin. Ne manque que le bruit des réacteurs.
EXPOSITIONS
Peindre le désert
ROANNE – En cette année déclarée par l’Unesco de lutte contre la désrtification, un musée de province présente une exposition très réfléchie sur le rapport des Occidentaux au mythe du désert. En puisant dans des collections comparables (musées de Nantes, Tours, La Rochelle, musée de l’Homme), dans des fonds privés (fondation Berliet), elle montre comment cette fascination s’est transcrite en expéditions militaires, scientifiques, artistiques ou automobiles (les fameuses « croisières » Citroën). De 1850, date du premier voyage de Fromentin, à 1974, dernière mission de l’archéologue Henri Lhote dans le Tassili-n’ Ajjer, les paysages, les habitants, les coutumes, les fresques, les animaux ont été croqués par des centaines d’artistes passionnés, dont certains sont passés par la villa Abd-el-Tif, la « villa Médicis d’Alger ». On rencontre des valeurs sûres – Jouve, Iacovleff, Dinet – et des moins connus – militaires de carrière, comme Henri Fournial qui a laissé un carnet de la missionFoureau-Lamy de 1898, ou journalistes aventureuses comme Odette du Puigaudeau. Qui sont leurs successeurs ?
Du nouveau sur Giacometti
ZURICH – La lente résolution des imbroglios sur la succession Giacometti nous apporte une bonne surprise. La Kunsthaus de Zurich nous dévoile 75 plâtres de l’artiste suisse, qui sont presque vierges de tout regard. Ils se trouvaient en effet dans l’atelier parisien de la rue Hippolyte-Maindron (14e arrondissement) lorsque Giacometti le quitta définitivement en décembre 1965. Après sa mort le mois suivant, les plâtres furent stockés par sa veuve Annette puis se trouvèrent au cœur du long conflit entre la famille suisse et les exécuteurs testamentaires d’Annette, chargés d’établir une fondation en France. Ce n’est qu’en avril 2004 qu’un partage put être effectué. Voici donc, entre autres, Femme couchée ou Objet désagréable à jeter, dans leur version intermédiaire : ce n’est plus le premier jet imprimé dans l’argile molle et pas encore la version finale en bronze. Considérant les repentirs de Giacometti, sa répugnance à considérer une œuvre achevée, ils revêtent une signification particulière.
Pour visualiser une douzaine de plâtres, télécharger le communiqué de presse en format PDF
Raphaël, les années florentines
ROME – Avec l’exposition Raphaël, de Florence à Rome, la Galleria Borghese pose le premier jalon d’un projet ambitieux, programmé sur une décennie. Le principe est simple : monter des rétrospectives monographiques en prenant comme point de départ un chef-d’œuvre de la collection. Le premier (sur dix) est la Déposition de Raphaël. Une trentaine de tableaux et autant de dessins sont réunis, dont la Madone Aldobrandini de la National Gallery de Londres, la Vierge aux candélabres de Baltimore, la Vierge à l’Enfant avec saint Jérôme et saint François de Berlin. Manquent à l’appel les tableaux du musée de Chantilly (dont les Trois Grâces), interdits de prêt par statut. Au centre de la manifestation se trouve évidemment la Déposition au destin mouvementé. Peinte en 1507, à Florence, elle est exposée pendant un siècle dans une église de Pérouse avant d’être volé par le pape Paul V, à l’intention de son neve u collectionneur. Népotisme, quand tu nous tiens ! L’arrivée de Napoléon ne vaudra guère mieux : le tableau est emporté à Paris en 1797 et la Galleria Borghese n’en récupèrera en 1816 que la partie centrale , abandonnant le reste au Vatican.
Sur le site de la Galleria Borghese, une reproduction de la Déposition de Raphaël
SALONS
Barcelone au top de la vidéo
BARCELONE – Pour les amateurs d’art vidéo, la foire Loop s’est imposée comme l’un des rendez-vous de référence. Pendant trois jours, 43 galeries du monde entier s’y retrouvent : pour mesurer l’état de la création, mais également pour discuter de problèmes de conservation (conférence le 19 mai à 11h, animée par Christoph Blase, du ZKM Karlsruhe) ou de protection du droit d’auteur. Pour cette 4e édition, tiennent stand, entre autres, Anne de Villepoix et Michel Rein (Paris), Mizuma (Tokyo), Fred (Londres), Chelouche (Tel-Aviv), Luxe et Nicole Klagsbrun (New York), Olaf Stüber (Berlin) ainsi que douze galeries espagnoles. L’événement a des répercussions dans toute la ville : 140 lieux différents – galeries, musées, bars mais aussi banques ou instituts culturels étrangers – devraient y présenter plus de 200 vidéos d’artistes.
VENTES
Périer, fou des sixties
PARIS – Nostalgiques des sixties, cette vente est pour vous. De la photographie, des prix plutôt contenus (aucune estimationsupérieure à 4000 €) et une toute une époque qui revit grâce aux clichés de Jean-Marie Périer. Assistant de Daniel Filipacchi, il commence au magazine Salut les copains où il tire le portrait des idoles yéyé, toutes présentes dans cette vente : Sheila, Sylvie Vartan, François Hardy, France Gall. Puis Johnny Halliday, Alain Delon et une clientèle qui devient de plus en plus internationale, incluant les Beatles, Mick Jagger, James Brown, Bob Dylan. Prélude à une aventure américaine durant les années 80, où il se tourne vers le film publicitaire. La nostalgie des années 60, définitif âge d‘or de l’après-guerre, est un phénomène solide : en 2001, l’exposition des photos de Jean-Marie Périer à la mairie de Paris avait attiré plus de 150 000 visiteurs.
LIVRES
Noir, c'est noir
Peste noire, Vierge noire, trous noirs, humeur noire : il manquerait quelque chose à l’humanité si elle n’avait pas cette couleur pour exprimer ses états d’âme, ses souffrances, ses mystères. Mais lorsqu’il s’agit de représentation, on hésite parfois. Certaines époques ont ainsi quasiment banni le noir de leurs fresques ou tableaux. C’est le cas du Moyen Age ou du XVIIIe, tout entier à sa foi dans le progrès. D’autres au contraire lui ont voué un culte. Que l’on pense aux romantiques ou à notre XXe siècle si chargé en révolutions. De Malévitch à Rothko, Barnett Newman ou Soulages, le noir s’y est fait omniprésent. Sans forcément avoir une connotation négative : on se souvient d’une campagne publicitaire vantant le Portugal comme « pays où le noir est couleur ». Pour exposer la saga de cette couleur pas comme les autrees, l’auteur part des grottes ornées du Néolithique et des gravures de Dürer. Avant d’arriver à nos jours, il passe par des moments charnières qui ont nom Piranèse, Le Caravage, Friedrich, Goya, Munch Et fait même quelques rencontres inattendues, en la personne des Nabis ou de Matisse. Le dernier chapitre aborde les créateurs contemporains : l’aventure du noir n’est pas finie.
BRÈVES
DUBAI - Christie' ouvre des bureaux dans les émirats arabes et tient sa première vente le 23 mai avec de l'art contemporain du Proche-Orient, d'Inde et du Pakistan. Parmi les estimations les plus hautes (au-delà de 150 000 dollars), des œuvres de l'Egyptien Ahmed Moustafa et des Indiens Maqbool Fida Husain et Francis Newton Souza.
ELCHE (Espagne) - La célèbre Dame d'Elche, sculpture ibère du Ve s. av. J-C, découverte en 1897, exposée en France puis rendue à l'Espagne en 1941, revient chez elle à l'occasion de l'inauguration du musée archéologique local (le 18 mai). Assurée pour 15 millions d'euros, elle demeurera à Elche jusqu'au 1er novembre avant de retourner au musée Archéologique national de Madrid.
LONDRES - Il n'a pas l'aura de Paris Photo mais c'est un concurrent direct à ne pas négliger : Photo London se tient du 18 au 21 mai à la Royal Academy of Arts.
MOSCOU - Intense activité marchande dans la capitale russe. Avant l’ouverture du Moscow World Fine Art Fair (voir ci-dessus), le salon d’art contemporain Art Moscow se tient du 17 au 21 mai.
MULHOUSE – Le 20 mai, sont inaugurées les deux premières lignes du tramway. Le projet a donné lieu à des commandes publiques. Le designer catalan Peret a conçu l’habillage jaune, rouge et noir des voitures. Daniel Buren s’est chargé de la signalétique sous forme d’arches. Les annonces sonores ont été demandées au compositeur Pierre Henry et Tobias Rehberger a dessiné les œuvres plastiques installées près des stations.
NEW YORK - Un autoportrait de Frida Kahlo sera le clou de la vente d'art latino-américain chez Sotheby's le 24 mai. Il est estimé entre 5 et 7 millions de dollars.
PARIS - L'Association française d'action artistique fusionne avec l'Association pour la diffusion de la pensée française pour donner naissance à Culturesfrance. Cet organisme, dirigé par Olivier Poivre d'Arvor, sera chargé de diffuser la culture française dans le monde et disposera d'un budet annuel de 30 millions d'euros.
PARIS - Musées à l'honneur cette semaine à Paris, dans toute la France et en Europe. Le 18 mai, l'ICOM (Conseil international des musées) célèbre le jour des musées. Le 20, ce sera au contraire la nuit des musées 2006 avec l'entrée gratuite et une ouverture tard le soir.
PARIS - Parmi les ventes d'intérêt cette semaine, Christie's propose les dernières œuvres de l'atelier Degas encore en mains privées et Sotheby's la bibliothèque du baron Alain de Rothschild (le 24 mai). L'étude Farrando-Lemoine met à l'encan l'originale collection Greze, tout entière consacrée au monde du cirque (le 22 mai).
PARIS - La Foire internationale du livre ancien se tient comme chaque année à la Mutualité, du 18 au 21 mai. L'exposition sera consacrée aux trésors du musée de l'Imprimerie de Lyon.
PARIS - Deux événements concomitants vont animer le quartier de Saint-Germain du 18 au 21 mai : le Carré Rive gauche réunit 123 antiquaires qui présentent leurs "objets extraordinaires" et Art Saint-Germain 100 galeries qui font un vernissage commun le jeudi soir et ouvrent le dimanche après-midi.
PARIS - Denise René, la doyenne des galeristes, est toujours au créneau. Elle présente un des grands de l'après-guerre, Gottfried Honegger.
RENNES - Elie Azagury fut l'un des architectes les plus actifs du Maroc de l'après-guerre. Il y reçut de nombreux amis - César, Rotella, Restany, etc - qui y trouvèrent souvent l'inspiration. Ses archives sont vendues le 23 mai à 14 heures par Bretagne Enchères.
SUR ARTAUJOURDHUI.INFO
Cette semaine, ne manquez pas
SAINT-LOUIS (Alsace) - L'espace Fernet-Branca dédie une rétrospective importante au peintre catalan Antoni Clavé décédé l'an dernier à l'âge de 92 ans : 65 toiles de grand format, produites de 1959 à nos jours, comprenant celles qu'il présenta à la Biennale de Venise 1984, lorsqu'il fut l'artiste du pavillon espagnol.
MOSCOU - 80 marchands internationaux sont présents à la troisième édition de la foire internationale d'art de Moscou, du 22 au 27 mai. Meubles, objets d'art mais aussi photogaphies et créations contemporaines sont exposés dans le cadre spectaculaire du Manège.
BARCELONE - Quelques secondes pour une catastrophe mais 24110 ans pour que le plutonium 239 perde la moitié de sa radioactivité… Le Centre de Culture Contemporaine aborde pour la première fois le drame de Chernobyl au moyen d'une exposition qui réunit notamment photos, décorations des "liquidateurs" et dessins d'enfants.