ArtAujourdhui.Hebdo
N° 7 - du 1 juin 2006 au 7 juin 2006
L'AIR DU TEMPS
Photo à gogo
MADRID – C’est probablement le festival photographique le plus fréquenté au monde. Photo España envahit chaque année, en juin et juillet, la capitale espagnole avec plusieurs dizaines d’expositions, des projections et des manifestations dans la rue, attirant des visiteurs par centaines de milliers. L’édition 2006 est placée sous le thème de la nature. Y sont conviés des morts – Karl Blossfeldt et ses fleurs, Pierre Verger et ses images de la campagne espagnole – mais essentiellement des photographes en activité… Certains ont depuis longtemps bâti leur renommée comme Joël Sternfeld, Ramón Masats (avec des diptyques synthétisant son demi-siècle de carrière), John Davies (les transformations du paysage anglais), Bae Bien-U (et ses forêts de pins) ou Olafur Eliasson. D’autres gagnent à être connus pour leurs travaux en prise directe avec l’actualité (l’ouragan Katrina vu par Chris Jordan, l’Antarctique et la question du réchauffement par Mireya Masó, les curieux paysages de Yasumura). D’in en off, de grandes structures en petites galeries, d’interventions urbaines en spectacles, Photo España montre une enviable capacité à intéresser le grand public. Ce qui n’est pas un don courant en matière d’art contemporain.
EXPOSITIONS
Constable dans les grandes largeurs
LONDRES – Personne n’a rendu comme lui les ciels mouillés d’Angleterre, les nuages bas et ronds, les vaches humant les charrettes de foin, les ruisseaux limpides et les champs très verts : Constable est, avec Turner, le plus doué des paysagistes d’outre-Manche. Et il aimait plus que tout travailler en grand comme le montre cette exposition, qui réunit ses « six-footers », c’est-à-dire ses tableaux de 6 pieds (environ 1,80 m), ce qui ne s’était jamais produit même de son vivant. Chacune de ces neuf compositions est accompagnée de son esquisse préparatoire, de mêmes dimensions, au dessin très vif et spontané. Six paires portent sur son motif préféré, la rivière Stour (1820-21), avec ses méandres, ses haies de peupliers, ses villageois tranquilles. Les autres, plus tardives, montrent la cathédrale de Salisbury ou le château de Hadleigh. Ces ambitieux hymnes au paysage étaient conçus pour attirer l’œil du visiteur aux expositions de la Royal Academy. Objectif atteint : deux siècles plus tard, on continue de les admirer. Elles n’ont rien perdu de leur immédiateté et de leur fraîcheur atmosphérique.
Picasso, encore et toujours
MADRID – Deux des plus grands musées espagnols – le Prado et le Reina Sofía – célèbrent une nouvelle fois Picasso. Avec une double justification : le 125e anniversaire de la naissance du peintre et, plus encore, le 25e anniversaire du retour de Guernica en Espagne, après son exil au MoMA de New York. Au Reina Sofía, c’est évidemment autour de cette icône du XXe siècle que sont rassemblées d’autres tableaux de la même époque de Picasso, comme l’Ossuaire (1945, MoMA), et une œuvre d’une puissance équivalente, le 3 mai 1808 à Madrid : les exécutions sur le mont du Príncipe Pío de Goya. Au Prado, Picasso est confronté à des maîtres anciens comme Dürer, Titien, Vélasquez, Zurbarán ou Caravage. Parmi ses tableaux, on citera la Repasseuse (1904, Guggenheim), la Femme à la chemise (1905, Tate Modern), Carafon et trois bols (1908, Ermitage) ou l’Enlèvement des Sabines (1963, Boston Museum of Fine Arts). Au total, ce sont une cinquantaine d’œuvres de l’homme de Malaga qui sont visibles : un bel effort quand on connaît leur valeur, le coût des assurances et le déplaisir des musées à s’en séparer, même temporairement.
Tal-Coat, Breton d’abstraction
TOULON – La rétrospective consacrée à Tal-Coat coïncide avec le centenaire de sa naissance. Elle se concentre sur les vingt dernières années de l’artiste abstrait (1965-85), celles où l’habitué des gris, des noirs, des terres brûlées, se laisse séduire par les couleurs vives. C’est le moment où il vit à Dormont, en Normandie, et sur les bords du lac Léman, mais c’est également celui où il « digère » ses précédents séjours en Provence. Une centaine d’œuvres sont présentées, essentiellement des huiles de petit format (à quelques rares exceptions comme Dans le bleu), mais également des dessins, des lavis et des aquarelles. Cette exposition vaut aussi requiem : l’incendie qui a récemment frappé la demeure familiale a détruit certaines des œuvres qui devaient être exposées…
VENTES
Inaccessible Art déco
PARIS – Les rares marchands visionnaires, qui ont acquis dans les années 1970 – lorsqu’il valait bien peu - du mobilier Art déco, peuvent se frotter les mains. C’est en effet une des spécialités du XXe siècle qui a connu la plus forte revalorisation. La vente Camard du 2 juin l‘illustre parfaitement (en attendant la vente Dray, chez Christie's, le 8). Les chefs-d’œuvre des grands noms – Chareau, Süe et Mare, Ruhlmann, Eileen Gray, Perriand, Royère, Dunand – exigent désormais des investissements de plusieurs centaines de milliers d’euros. Ainsi cette table basse laquée noir sur une sphère en bois massif, de Pierre Legrain : compter entre 800 000 et 1 million d’euros… et presque autant pour ce panneau décoratif de Jean Dunand représentant une société de singes sur fond d’or (600 000 euros). Tout le monde a en mémoire le coup de tonnerre de l’an dernier, au même endroit : les 8 950 000 euros pour six fauteuils « à la sirène » d’Eileen Gray. Ne comptez pas sur quelque affaire : les moindres appliques de série en métal chromé par Jean Perzel ne se trouvent pas à moins de 5 000 euros et la « chaise à tendeurs » de René Herbst débute à 3 000 euros. A signaler, une étonnante armoire d’acier avec bas-reliefs en bronze argenté d’Eckart Muthesius. Elle se distingue des matières privilégiées des créateurs Art déco - laque, galuchat, verre sablé, bois précieux. Ce qui ne la rendra pas plus économique pour autant…
SALONS
Arts premiers : Bruxelles sur le chemin du Quai Branly
BRUXELLES – Cela n’a pas le caractère intimidant des grands salons, tout en s’insérant harmonieusement dans le tissu urbain. Le concept de Bruneaf est simple et a fait des émules : les antiquaires exposent… dans leur propre galerie ou - pour les étrangers - chez leurs collègues bruxellois du quartier du Sablon. Pour sa 16e édition, la foire belge d’art non-européen conserve des dimensions « humaines » : pas plus de 50 participants, dont près de la moitié sont étrangers (américains comme Bruce Frank, italiens, néerlandais ou français comme Durieu ou Lecomte). Le commerce aura sa part mais l’on parlera aussi d’autre chose : le président de l’association, Patrick Mestdagh, s’inquiète publiquement des faibles moyens du musée de Tervuren à l’heure où Paris inaugure le musée du Quai Branly (le 20 juin) et tire l’alarme sur le musée de Kinshasa, objet de pillages répétés.
LIVRES
Gerda s’affranchit de Capa
Pendant des décennies, on ne l’a considérée que comme une banale collègue-amante du photographe Robert Capa, le fondateur de Magnum. Il faut dire qu’elle a disparu bien avant son célébrissime fiancé (elle en juillet 1937, écrasée par un char durant la guerre d’Espagne, lui en Indochine en 1954) et qu’elle n’a guère eu le moyen de se faire valoir. D’autres l’ont heureusement fait pour elle comme Richard Whelan (dans sa biographie de Capa) ou Irme Schaber, qui livre ici le résultat d’une enquête de plusieurs années. Il en résulte que la jeune et séduisante juive Polonaise, née en 1910, arrivée à Paris en 1933 où elle se mêle à l’avant-garde de l’époque, avait un talent très sûr. Pour preuve, un certain nombre d’images de la Guerre civile, qui étaient attribuées à Capa, sont en réalité d’elle. Images du conflit (les offensives avec soldats républicains en espadrilles et « dinamiteros », les replis avec convois de blessés) mais aussi portraits de paysans, de boulangers, d’orphelins. En nos temps avides de destins romantiques, elle a tout pour être convertie en pasionaria : sa mort précoce, sa beauté, son aura… et son talent enfin reconnu.
BRÈVES
AMSTERDAM – La Ronde de nuit, l’un des plus célèbres tableaux de Rembrandt, exposé au Rijksmuseum, bénéficie à partir du 2 juin d’une mise en scène spéciale combinant lumière, son et vidéo. Elle est signée Peter Greenaway.
DJAKARTA – Le séisme qui a frappé l’île de Java le 26 mai, faisant plusieurs milliers de victimes, aurait endommagé le temple hindou de Prambanan, construit au IXe siècle et inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco.
HONG KONG - Nouveau record pour une porcelaine d'époque Ming : un vase de la fin du XIVe siècle a été vendu 7;9 millions d'euros chez Christie's le 30 mai. Son acquéreur est Steve Wynn, magnat des casinos et des hôtels de luxe de Las Vegas.
LONDRES – Dans le cadre de la British Art Week, la maison Christie’s propose une aquarelle de Turner peinte en 1842, représentant le lac de Lucerne. On en attend plus de 2 millions de livres. Deux jours plus tard, c’est la description manuscrite de l’exécution de Louis XVI par le bourreau Sanson qui passera sous le marteau. On en attend vingt fois moins…
LYON – L’architecte Renzo Piano signe, avec le paysagiste Michel Corajoud, le nouvel Amphithéâtre de 3000 places du Centre des congrès, qui est inauguré le 1er juin.
Un édifice en forme de soucoupe volante, à voir sur le site de Renzo Piano
MARSEILLE – C’est également le 1er juin qu’est inauguré le nouvel ensemble des Archives et de la bibliothèque départementale : un projet de 28 000 m2, conçu par l’équipe Vezzoni/Laporte.
NEW YORK – L’Autoportrait de Frida Kahlo (1943, huile sur métal), proposé aux enchères par Sotheby’s le 24 mai, a été adjugé 5,8 millions de dollars, ce qui constitue le record pour une œuvre d’art latinoaméricaine. Le précédent était détenu par un autre autoportrait de Frida Kahlo, vendu 5 millions de dollars en 2000.
PARIS -Lucien Clergue et Yann Arthus-Bertrand sont désormais académiciens.Au cours de sa séance du 31 mai 2006, l’Académie des Beaux-Arts leur a attribué les deux fauteuils de la nouvelle section de photographie qu'elle vient de créer.
PARIS – Dans sa vente d’art moderne du 7 juin à 20h30, Artcurial propose trois tableaux significatifs de maîtres italiens : un De Chirico de 1935 (Dioscuri con i compagni in riva al mare), estimé entre 600 000 et 800 000 €, une nature morte de Morandi de 1915 (entre 450 000 et 650 000 €) et un Boccioni de 1911 (Busto di signora con grande cappello, entre 500 000 et 700 000 €).
PARIS – Pour la Nocturne Rive droite, qui se tient depuis 11 ans, les galeries de l’avenue Matignon, du faubourg Saint-Honoré et des environs de l’Elysée resteront ouvertes jusqu’à 23 heures le mercredi 7 mai. Au total, environ 80 établissements observeront ces horaires inédits, avec une cinquantaine de vernissages concomitants.
PARIS – La quatrième édition de « Rendez-vous aux jardins » se tient du 2 au 5 juin dans 1600 jardins de toute la France sur le thème du parfum. Certains parcs seront ouverts exceptionnellement à cette occasion, comme le jardin d’herbes folles de Griesbach, le jardin de Château Yquem ou le jardin médicinal de Chemille.
TOULOUSE – Les Abattoirs, après avoir exposé une partie de leur collection dans le Sichuan, rendent la pareille en présentant la jeune création chinoise, du 2 juin au 31 août.
VENISE – L’exposition Lucio Fontana qui ouvre le 4 juin à la Collection Peggy Guggenheim constitue un petit tour de force. Le commissaire, Luca Massimo Barbero, est parti à la recherche des composants de deux séries mythiques de 1961, qui n’ont jamais été vus ensemble depuis : les New York, pièces de métal, et, surtout, les Venise, toiles carrées trouées avec des morceaux de verre coloré, dont il a réuni 12 exemplaires.
SUR ARTAUJOURDHUI.INFO
Cette semaine, ne manquez pas
PARIS - Dans le cadre du festival Francofffonies !, le Centre culturel canadien présente une installation de l'artiste Jocelyne Alloucherie. Composée de cinq photographie et de cinq lampadaires, jouant avec les images projetées, elle a été présentée pour la première fois à l'Oratorio San Ludovico, à Venise, en octobre 2005.