ArtAujourdhui.Hebdo
N° 12 - du 6 juillet 2006 au 13 juillet 2006
L'AIR DU TEMPS
Vive le noir !
On se souvient du blanc de Courrèges ou du bleu de Klein. Ce sont des couleurs qui évoquent la belle saison. Raté ! Ce printemps et cet été, c’est le noir qui est à la mode. On a vu se succéder plusieurs publications et des expositions, dont les plus récentes se tiennent à la fondation Maeght (Saint-Paul-de-Vence) et – ce n’est pas une boutade - à la galerie White Cube de Londres à partir du 7 juillet. Au même moment, un autre paladin du noir est célébré à Paris, aux arts décoratifs : le couturier au nom si sonore, Cristobal Balenciaga. Ce Basque né en 1895 quitte son Espagne en proie à la guerre civile et s’intalle au 10, avenue George V, qui deviendra l’une des adresses essentielles sur la carte de la mode. Pourquoi tant de noir ? Couleur de la rigueur, de l’absolu – pour prendre ses distances avec les frivolités de la consommation de masse et le babillage insipide des talk-shows ? Ou reflet de l’état d’esprit désabusé de la vieille Europe ? Aux exégètes de trancher avant que la couleur ne passe de mode. La mauvaise prestation du corps arbitral à la Coupe du Monde lui a probablement enlevé des adeptes…
MUSÉES
Glasgow retrouve son Kelvingrove
GLASGOW – C’est l’enfant chéri de la ville écossaise. Ce musée encyclopédique, ouvert en 1901 grâce aux bénéfices de l’exposition internationale de 1888, possède une collection très variée, dont le squelette est formé par les dons de l’entrepreneur Archibald McLellan (mort en 1854). Y voisinent le Christ de saint Jean de la Croix de Dali, des Rembrandt et Whistler, un bon fonds impressionniste, des tableaux des Glasgow Boys de 1895 et des pièces de Charles Rennie McIntoch, des armes de toutes les époques, un Spitfire rescapé de la Seconde Guerre mondiale et la recette exacte du haggis servi au breakfast…Trois ans de travaux et 41 millions d’euros lui ont donné une nouvelle apparence et l’ont muni des raffinements techniques nécessaires pour aborder le XXIe siècle. Le Kelvingrove Museum ne devrait guère avoir de mal à retrouver son statut de musée le plus fréquenté d’Ecosse : avant sa restauration, il recevait déjà un million de visiteurs par an.
EXPOSITIONS
Le Japon chez Van Gogh
AMSTERDAM – Avec l’ouverture du Japon à partir de 1868 – l’ère Meiji -, c’est une nouvelle source d’inspiration qui se manifeste pour les artistes occidentaux, notamment popularisée par les gravures. Vincent Van Gogh y succombe lui aussi, qui écrit à son frère Théo que l’art japonais « rend plus heureux ». La collection présentée au Van Gogh Museum, l’une des plus complètes au monde, a été rassemblée par l’homme d’affaires Nasser Khalili, né en Iran en 1945. Elle comprend des panneaux en laque, des émaux cloisonnés, de la porcelaine, des objets en métal et un spectaculaire brûleur à encens de quatre mètres de haut. Des toiles de Van Gogh sont placées sur le parcours et montrent comment les thèmes dits japonisants – les iris et d’autres fleurs, les oiseaux, les ponts champêtres – ont pénétré dans son œuvre.
L'acteur mis à nu par l'artiste
AVIGNON – La collection Lambert se met au diapason du festival d’Avignon en examinant la représentation du comédien au cours du temps. Environ 400 œuvres composent une galerie de monstres sacrés, de Molière ou Rachel (peinte par Deveria) jusqu’à Angelina Jolie ou Isabelle Huppert, qui ouvre l’exposition en rejouant ses grands rôles devant l’objectif de la photographe Roni Horn. Deux partenariats avec la Comédie-Française et la Bibliothèque nationale fournissent l’essentiel des fonds historiques, qui sont mis en regard avec des œuvres contemporaines. Delacroix, David d’Angers, Géricault et Mucha dialoguent ainsi avec Pierre Bismuth, Douglas Gordon ou Vik Muniz (un portrait de Romy Schneider en poussière de diamant). Quelques séquences sont nourries – sur la Commedia dell’arte, sur Sarah Bernhardt, sur la mort du comédien. Dans cette dernière, on voit une photo prémonitoire de Dennis Stock : James Dean essayant, pour rire, un cercueil capitonné, quelques mois avant sa mort. C’était en 1955 et, pourtant, James Dean est toujours présent. L’avantage du grand comédien, c’est qu’il ne meurt jamais tout à fait.
Revoir Buffet
LA HAYE - Le titre de l’exposition au Gemeentemuseum, Bernard Buffet : une œuvre controversée, annonce la couleur. En présentant une soixantaine de peintures, gravures, lithographies de la collection de Maurice Garnier, galeriste à Paris qui détient l’exclusivité sur l’œuvre de l'artiste, le musée invite l’amateur à sa propre lecture. Le parti pris d’un accrochage sur plusieurs salles qui laisse respirer les grands formats et ne se cantonne ni à la chronologie ni à la période misérabiliste - il couvre les années 1947 à 1999 - permet un regard différent. Le temps de la reconnaissance, fondé sur une véritable connaissance de cet artiste, est peut-être venu.
Le Cavalier bleu, un art au-dessus des lois
SAINT-TROPEZ - « Un art qui se met au-dessus des lois et des limites instituées par moi n’est plus un art » prévenait l’empereur Guillaume II. Tout juste deux expositions entre 1911 et 1912, et un almanach… Comment et pourquoi une poignée d’artistes en révolte contre l’art établi a-t-elle définitivement ouvert le chemin de l’abstraction naissante ? Avec une soixantaine de tableaux et d’œuvres sur papier, le musée de l’Annonciade entreprend de donner des pistes. C'est la première exposition consacrée au seul Blaue Reiter, et à ceux qui l’ont fait. Kandinsky et Marc, les patrons, mais aussi Macke, Jawlensky, Münter, Werefkin, Kubin, Klee, Schönberg, Kampendong, Niestlé… Volontairement aucune œuvre des « étrangers » invités aux expositions, sauf le clin d’œil d’un tableau du Français Girieud (mais en grimpant l’escalier, vous trouverez dans la collection permanente les Fauves flamboyants qui y participaient). Des œuvres rares, des artistes pas toujours connus, du surprenant Tarier des prairies de Jean Blooé Niestlé à La Grande Route de Marianne von Werefkin, qui vous tire, avec Jawlenski, vers le fond de la salle. Des artistes jeunes qui se cherchent encore, « internationaux », ouverts sur le monde – on voit ça et là réapparaître la trace des Nabis, de Marquet ou de Pont-Aven - du " Grand Réalisme " à la ’"Grande Abstraction ". Et le triomphe de la couleur...
LIVRES
Cahiers d’art, une aventure du XXe siècle
C’est un personnage curieux, mystérieux par bien des aspects qui, avec sa revue et sa maison d’édition basées rue du Dragon, à Saint-Germain-des-Prés, a fait un beau bout de chemin avec l’art du XXe siècle. Christian Zervos, né sur l’île de Céphalonie en 1889, à l’enfance peu connue, publie pendant des décennies avec sa femme Yvonne une revue fondamentale (et fondamentalement déficitaire), les Cahiers d’art, pour laquelle il devra même brûler son parquet…Les années d’après-guerre sont plus clémentes, marquées par la publication du catalogue raisonné de l’ami Picasso et par ce grand moment que fut l’exposition d’art au Palais des Papes d’Avignon en 1947, avec René Char : tout simplement la genèse du festival d’Avignon puisque l’on fit appel à Jean Vilar pour un volet théâtral… Toutes ces péripéties sont abondamment décrites ainsi que les plus importantes œuvres rassemblées par Zervos : Braque, Léger, Mirò, Picasso, Laurens, Charchoune, etc. Juste avant sa mort, en 1970, il lègue ses biens à la mairie de Vézelay, où il possédait une résidence. Après un tiers de siècle, son musée existe enfin, dans la maison de… Romain Rolland. C’est là que sa collection est visible, depuis le mois de mai 2006.
BRÈVES
ALBISOLA - Sous le titre Indisciplinata, la 3e biennale de la céramique dans l’art contemporain se tient du 8 juillet au 10 septembre sur la côte ligure. Outre Albisola, les centres d’exposition sont Albissola Marina, Savone et Vado Ligure.
BOULOGNE-BILLANCOURT – Après la déconvenue de la fondation Pinault, partie à Venise, les anciens terrains Renault ont quitté la une de l’actualité. C’est dans une relative discrétion que le maire, Jean-Piarre Fourcade, et Nicolas Sarkozy posent le 7 juillet la première pierre du nouveau programme d’aménagement.
LA ROCHELLE – Don Quichotte a quatre siècles mais son mythe continue d’inspirer les artistes contemporains. Une trentaine de créateurs – dont Bioullès, Viallat, Di Rosa, Ben, Garouste - sont réunis jusqu’au 15 août dans l’ancienne halle à marée, la tour de la Lanterne et le cloître des Dames blanches.
LONDRES – La Serpentine Gallery contribue au débat architectural avec ses pavillons temporaires bâtis dans la verdure de Hyde Park. Le cru 2006, avec des éléments gonflables, a été commandé à Rem Koolhaas et Cecil Balmond. Il ouvre le 13 juillet.
MULHOUSE – Le musée de l’automobile des frères Schlumpf fait peau neuve et rouvre le 7 juillet sous le nom de Cité de l’automobile. Il abrite quelque 400 modèles de toutes époques, dont une centaine de Bugatti.
NIAUX (Ardèche) – La grotte Niaux, l’une des plus belles grottes ornées d’Europe, fête les cent ans de son invention. Pour l’occasion, une partie du réseau souterrain Clastres sera exceptionnellement ouverte à quelques happy few (450 visiteurs de juillet à septembre), pour accéder aux galeries les plus profondes de la grotte Niaux. Pour tenter de s’inscrire, tél. : 05 61 02 30 80.
PARIS – Le musée du Louvre vient de mettre en ligne la base Lafayette. Il s’agit du catalogue des œuvres d’artistes américains, réalisées avant 1940, entrées dans les collections publiques françaises, soit environ 1700 références.
ROME – Commencés en 2000, les travaux sont enfin arrivés à leur conclusion au Lapidarium du Museo Nazionale de Palazzo Venezia, qui est inauguré le 6 juillet. Il conserve quelque 130 pièces – fragments de sarcophages, de frises, de pierres tombales, de blasons pontificaux – de l’époque romaine jusqu’à la Renaissance.
VILLENEUVE-D’ASCQ – La nouvelle école d’architecture de Lille, dessinée par Nasrine Seraji, a été inaugurée le 25 mai.
SUR ARTAUJOURDHUI.INFO
Cette semaine, ne manquez pas
AURILLAC - A l'occasion du centenaire de la réhabilitation du capitaine Dreyfus, le musée d'Art et d'Archéologie revient sur le traitement de l'événement par les photographes. Sa longue durée - de 1894 à 1906 - et la multiplicité des supports utilisés - journaux, affiches ou cartes postales - permettent de tracer une véritable histoire de la photographie au tournant du XXe siècle.
LACOSTE - Comme chaque année, le village provençal et son château, qui fut du marquis de Sade, sont transformés en espace d'exposition par le Savannah College of Art and Design. Le cabinet d'architectes new-yorkais nARCHITECTS a réalisé Wind Shape, une impressionnante installation de cordes et tubes de plastique. Sur les collines du Luberon, elle voisine avec des œuvres de Piotr Klemensiewicz ou de Dandy Dwarves.
LYON - Le musée gallo-romain de Fourvière actualise nos connaissances sur l'univers religieux des Gaulois, que nous connaissons surtout par le biais d'une BD… La dimension sacrée et scientifique de ce culte est évoquée par des objets provenant de toute l'Europe (statuettes, monnaies, etc). Le clou de l'exposition est la reconstitution grandeur nature du sanctuaire de Gournay-sur-Aronde.
LLUBLJANA - La galerie nationale de Slovénie, dans le cadre des échanges culturels avec l'Italie, présente une trentaine d'œuvres fondamentales des artistes siennois du XIVe au XVIIIe siècle. Lorenzetti, Sano di Pietro, Sassetta sont présents ainsi que des codex enluminés et ces fameuses biccherne, couvertures peintes des livres de comptes de la commune.