ArtAujourdhui.Hebdo
N° 14 - du 7 septembre 2006 au 13 septembre 2006
L'AIR DU TEMPS
Overdose de biennales
C’est un sésame. Peu importe, au fond, ce qu’on y présente, le seul mot semble devenu un gage de sérieux, de contenu, de création à la page. Biennales, triennales, quadriennales d’art contemporain fleurissent plus que jamais. Le mois de septembre est particulièrement redoutable en la matière : il n’est guère de jour sans que l’on n’en signale une à l’horizon. Jugez plutôt : le 4 ouvre la biennale de Singapour et le lendemain, celle de Shanghaï, puis le 8, celle de Gwangju en Corée du Sud (intitulée « Variations fébriles », à l’intention, peut-être des amateurs qui tentent de suivre le rythme), suivie dans la roue (le 10) par la biennale d’architecture de Venise. Quelques jours de répit et voici le feu d’artifice : le 16, ce sont celles de Busan (toujours en Corée), de Liverpool et de Seine-Saint-Denis qui coupent le ruban en même temps. Le 21, une nouvelle venue, celle de Vienne, en Autriche, tentera de se faire une place au soleil. Que chacun y retrouve ses petits ! On ose à peine vous annoncer la une de notre prochaine lettre, le 14 septembre : la Biennale des antiquaires de Paris…
EXPOSITIONS
Titien, portraitiste des rois
PARIS - Il pouvait parler d’égal à égal avec Charles-Quint ou Isabelle d’Este, négocier des honoraires exorbitants : avec Titien, on quitte le monde du peintre-artisan anonyme et l’on entre dans l’ère des stars…Dans sa longue carrière (né en 1488, il ne sera emporté qu’en 1576, encore actif, par l’épidémie de peste qui frappe Venise), le peintre a vu tous les puissants de son temps. Parmi ceux qui sont passés sous son pinceau, on verra dans l’exposition quelques princes italiens (les Gonzague, les Farnèse, les Este), un pape (Paul III en vieillard roué), Charles-Quint et son fils Philippe II, François Ier, le doge Nicolò Marcello… Mais aussi des intellectuels de l’époque (L’Arétin, le cardinal Bembo), des bourgeois et, pour clore le parcours, de superbes femmes. Sur les 60 œuvres présentées, 35 sont de la main du Titien. Les autres, de ses contemporains Rubens, Jules Romain ou Lorenzo Lotto, apportent un éclairage varié sur la façon dont on représentait alors les « people ».
Le charme noir de Caravage
DUSSELDORF – Scandaleux au XVIIe siècle (il meurt en 1610), négligé pendant trois cents ans, « relancé » par l‘historien d’art Roberto Longhi en 1951 dans une exposition mémorable, Caravage est aujourd’hui une valeur sûre pour les grands musées. Sa confrontation avec Rembrandt (au musée Van Gogh d’Amsterdam) est à peine achevée que le voilà de nouveau sous les feux de la rampe. Cette fois, c’est au Museum Kunst Palast, dirigé par Jean-Hubert Martin, dans le cadre de la nouvelle quadriennale de Dusseldorf qui a pour thématique « le corps humain dans l’art ». Plusieurs Saint Jean-Baptiste mais aussi Les Joueurs de Luth ou Le Dîner à Emmaüs : au total une trentaine d’œuvres du maître du clair-obscur. Le catalogue accueille des essais d’écrivains (Henning Mankell, Andrea Camilleri) que fascine l’existence aventureuse du peintre assassin, mort d’épuisement et de malaria sur une plage toscane.
MUSÉES
Cri de soulagement
OSLO - A la fin de l’été 2004 – le 22 août – une mauvaise nouvelle provenait de la capitale norvégienne. Le Cri, une icône nationale et l’une des œuvres les plus connues d’Edvard Munch (1893), était volé au musée Munch. Au grand jour : les malfaiteurs avaient menacé les visiteurs de leurs armes et avaient pris le temps d’emporter la Madone du même peintre avant de s’enfuir dans la voiture qui les attendait en double file. Au printemps 2006, les condamnations prononcées contre de supposés coupables n’avaient guère convaincu. Il faut croire qu’elles ont contribué au succès de l’opération : quasiment deux ans jour pour jour après le délit, la police norvégienne vient d’annoncer, le 30 août, qu’elle avait retrouvé les deux toiles. La version la plus connue du Cri - il en existe quatre – avait déjà été subtilisée en 1994, pour quelques mois, du Musée national.
ARCHITECTURE
Venise se penche sur la ville
VENISE - « Villes, architecture et société » est le thème de la 10e biennale d’architecture (qui se tient les années paires, en alternance avec la plus célèbre Biennale des arts visuels). Un programme ambitieux, plus que jamais d’actualité : le directeur de cette édition, Richard Burdett, professeur à la London School of Economics, rappelle que la population urbaine est passée, en un siècle, de 10 % à 50 % de la population du globe. Une quinzaine de grandes aires urbaines ou mégalopoles sont étudiées de près, avec vidéos et maquettes, dans les immenses Corderies de l’Arsenal, dont Barcelone, New York, Mexico, Bombay ou Le Caire. Le pavillon Italia accueillera, lui, des projets concrets sur l’avenir des villes. Le Lion d’or à la carrière a été attribué à un architecte qui a toujours mis le tissu urbain au centre de ses préoccupations : le Britannique Richard Rogers, auteur, avec Renzo Piano, du Centre Pompidou.
PHOTOGRAPHIE
Du côté des reporters de guerre
PERPIGNAN – Visa pour l’Image, le festival du photojournalisme, tient sa 18e édition. On n’y voit pas que du sang et de la violence : pour preuve, la rétrospective Elliott Erwitt, qui, depuis un demi-siècle, sait traquer avec humour les travers de ses contemporains, ou l’exposition consacrée aux « Chroniques sahariennes » de Jean-Luc Manaud. Pour le reste, la planète va mal même si l’écho que nous en recevons est parfois un peu assourdi : les enfants dans l’engrenage de la violence (Alvaro Ybarra Zavala), la famine dans la Corne de l’Afrique (Bruno Stevens), les migrants guatemaltèques ou nicaraguayens recherchant désespérément le rêve américain (Claudia Guadarrama), le tremblement de terre de 2005 au Cachemire (Jan Grarup)… Ce regard aigu que posent les reporters professionnels sur les malheurs du monde n’est-il pas menacé par l’explosion de la presse people et par la photographie numérique, qui dilue le droit d’auteur ?
Le site du festival est un peu sommaire : une incitation à aller à Perpignan ?
LIVRES
Voyage à travers les jardins
Automne, saison des jardins : alors que les feuilles s’apprêtent à jouer leur symphonie de couleurs, voici un vademecum joliment illustré. La plupart des grands classiques y sont traités, en un voyage planétaire. La portion congrue revient aux jardins d’Islam, d’Iran à Grenade, et aux jardins d’Extrême-Orient, que l’on limite trop souvent aux cerisiers en fleurs, aux ponts en bois et aux praticiens zen ratissant le gravier. Le monde occidental est bien plus abondamment analysé, des reconstitutions de jardins antiques (Pompéi) et des cloîtres médiévaux jusqu’aux créations les plus étonnantes du XXe siècle. Difficile d’y trouver une unité tant l’inventivité y prend des directions multiples, des géométries parfaites de Roberto Burle Marx (Pétropolis, Brésil) aux évocations conceptuelles de Richard Jencks (à Portrack, Ecosse, avec trou noir et jardin de l’ADN !), jusqu’aux lianes et lierres envahissant les toits de zinc à Paris (Camille Muller). Dans les dernières créations, on en vient même à utiliser le blé pour les parterres et c’est saisissant (Mas de les Voltes, en Catalogne). On regrette l’absence d’une introduction qui aurait permis de replacer dans une perspective historique cette matière foisonnante.
BRÈVES
ATHÈNES - Pour la première fois depuis que Lord Elgin en a emporté une partie importante en 1802 (aujourd'hui au British Musuem), un fragment des frises du Parthénon a été rendu à la Grèce par une institution étrangère. C'est l'université de Heidelberg qui a effectué, mardi 5 septembre, cette restitution, qui pourrait en annoncer d'autres. Avant d'être présenté solennellement à la presse, le morceau de quelques centimètres de côté a eu le privilège de voyager dans l'avion du Premier ministre.
BRUXELLES – La capitale belge accueille sa première Design Week : du 8 au 17 septembre, expositions, workshops, conférences et remises de prix vont alterner. L’occasion de confronter des talents reconnus (comme les Bouroullec) et le jeune design belge.
GENÈVE - Polémique sur la succession Kokoschka : un neveu du peintre, Roman Kokoschka, s'estimant floué par le testament de la veuve, décédée en 2004, qui attribue tous ses biens à la fondation Kokoschka, a porté l'affaire devant les tribunaux suisses. Enjeu de la dispute : un millier de tableaux du peintre expressionniste…
LONDRES – Le feu a ravagé le 30 août une annexe de la Royal Academy of Arts. Le sinistre n’a endommagé aucune œuvre mais retardera probablement l’ouverture de l’exposition qui devait s’y tenir à partir du 6 octobre. Intitulée USA Today, elle doit présenter l’art américain actuel à partir des collections de Charles Saatchi
LONDRES – La Hayward Gallery expose un échantillon du fonds de l’Arts Council, la plus importante collection publique d’art britannique du XXe siècle. Créée en 1946, elle continue de s’enrichir. La sélection présentée se déploie des « classiques » comme Moore ou Bacon jusqu’aux créateurs contemporains rendus célèbres sous l’appellation de YBA (Young British Artists).
NEW YORK - Qui a acheté en mai dernier, pour 95 millions de dollars, le portrait de Dora Maar au chat par Picasso ? Selon le journaliste américain Marc Spiegler, qui présente ses conclusions dans la revue New York, il ne peut s'agir que d'un oligarque russe. Celui qu'il privilégie n'est pas un habitué des unes. Il s'agirait de Boris Ivanishvili, à la tête d'un conglomérat associant banques et mines.
PARIS – La galerie Jérôme de Noirmont présente du 13 septembre au 30 octobre une ambitieuse rétrospective de Keith Haring. Le clou en est une peinture murale de plus de 10 m2, réalisée en 1986 pour la boutique Jouets et Cie. S’y ajoutent des œuvres sur papier, des sculptures et quelques pièces de mobilier.
PARIS – Kaos, parcours des mondes, la manifestation d’art tribal qui se tient chaque automne Saint-Germain-des-Prés, a lieu du 13 au 17 septembre. Le principe : les galeries étrangères sont hébergées chez des collègues français. Ainsi, Arte y Ritual est chez Alain Bovis, Pace Primitive chez Nicolas Deman, etc. Le seuil des cinquante antiquaires est dépassé cette année.
TOLEDO (Ohio) - Le Toledo Museum of Art a inauguré le 22 août le nouveau bâtiment abritant sa collection d'art du verre. Lui-même en verre, l'édifice est signé par le cabinet japonais Sanaa, qui a été choisi pour réaliser l'antenne du Louvre à Lens.
TOKYO - Le prix Praemium Imperiale, sorte de Nobel des arts décerné tous les deux ans par l'Académie impériale japonaise, vient d'être attribué pour 2006 aux lauréats suivants : Yayoi Kusama (Japon, peinture), Christian Boltanski (France, sculpture), Frei Otto (Allemagne, architecture), Steve Reich (Etats-Unis, musique), Maïa Plissetskaïa (Russie, théâtre). La Bourse aux jeunes artistes est donnée à la Fondation vénézuélienne des orchestres juvéniles, FESNOJIV. La cérémonie de remise aura lieu le 18 octobre prochain à Tokyo.
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Ambroise Vollard, éditeur
VEVEY - Universellement connu comme le marchand au visage bourru qui a « lancé » Cézanne, Picasso ou Matisse, Ambroise Vollard (1866-1939) est aussi un acteur incontournable du développement de l’estampe originale à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. Prolifique éditeur de portfolios et de livres illustrés, il a incité de nombreux peintres à s’essayer à la gravure et à la lithographie en couleurs... En réunissant quelque 115 œuvres et 11 livres d’artistes issus de ses collections ou prêtés par de grandes institutions suisses publiques et privées, le Cabinet des Estampes lui rend sa juste place dans ce domaine essentiel de l'art moderne
Le Roi, l'Empereur et la pendule
BESANÇON - L’exposition du Musée du Temps réunit une cinquantaine de somptueuses pendules issues des réserves du Mobilier national présentées au public pour la première fois. Cette collection historique, appartenant autrefois au Garde-meuble de la Couronne, est exceptionnelle de par la rareté et la provenance des pièces présentées : chambres à coucher de Napoléon et de l’Impératrice, grand salon du roi de Rome au palais des Tuileries, boudoir de l’Impératrice au palais de Saint-Cloud. Elle est parfaitement représentative d’une période riche en courants artistiques majeurs et, d’un empire à l’autre, retrace l’histoire politique du siècle
Muma, histoires d'art
LAUSANNE - Muma Soler, artiste, historien de l'art, vélocipédiste, suisse d'adoption, catalan d'origine, pédagogue, écrivain d'opuscules, lecteur impénitent, est né à Barcelone en 1957, cinquième d'une famille de onze enfants. Il étudie la peinture et la musique, hésite entre les deux, puis part pour un périple solitaire de 16 mois à bicyclette. Il s'installe à Lausanne en 1986, enseigne notamment à l'Eracom, après s'être formé à l'ECAL et à l'Université. Il a, depuis 1992, exposé à Zurich, Genève, Barcelone, Paris, Gérone, Bâle, New York, Martigny... et sa bibliographie compte une quinzaine d'ouvrages. Il signe ses toiles Signa Tura depuis 1996.
Niki et Jean, l’Art et l’Amour
BALE - En associaton avec le Sprengel Museum de Hannovre et la Niki Charitable Art Foundation – qui administre la succession de Niki de Saint Phalle et de Jean Tinguely – le Musée Tinguely a monté cette exposition originale sur les “Bonnie and Clyde de l’Art”, l’un des couples les plus célèbres et les plus passionnants de l’art moderne. Leur étroite collaboration y est montrée à travers leurs œuvres communes et individuelles – originales, lorsqu’elles ont pu être transportées, ou via des maquettes, photos, dessins ou affiches -, leurs partenariats artistiques et, bien sûr, leur relation personnelle.